Deux poèmes de Salah Stétié, dans la suite d’une rencontre
avec le poète
Les tueurs d’arc-en-ciel
L'homme est fait de la matière de l'arc-en-ciel,
C'est façon de dire qu'il est de couleur:
Le jaune, le bleu touareg, le noir, le rouge d'Amérique,
Le blanc, car le blanc aussi est une couleur,
Il est d'autres couleurs que je ne connais pas, qui sont à l'intérieur, dans
les cœurs et les âmes,
Couleurs qui parfois paraissent, transparaissent
Dans les yeux des femmes et des hommes, dans l'iris de l'œil de l'enfant,
Iris bleu, iris violet, iris marron, iris vert,
Bel iris noir, et tous ceux-là, tous ces iris,
Tournés, comme les fleurs du même nom, en beau bouquet,
En grand jardin d'iris vers le soleil visible,
Vers la transparence de l'air, vers le feu de l'orage, vers l'invisible aussi,
Que seul l'homme voit, même s'il ne le voit qu'avec un troisième œil, œil
voyant,
Tout cela, mes amis, fait de nous l'humanité,
L'humaine humanité et ses mélanges,
Tissage et métissage est l'humanité humaine:
Celle qui vit, qui rêve, qui crée, qui s'interroge,
Humanité admirablement cosmopolite
Admirablement unie par ses racines de vérité, quand elle est vraie, quand elles
sont vraies,
Hommes et femmes et enfants, ô vous mes enfants d'Iraq,
Pleurant de vos yeux d'enfants du pétrole!
Ce poème de Salah Stétié a été publié dans le cadre de l’initiative Poètes contre la guerre. Il a été publié sur ce site.
(cette photo en hommage au poème de Salah Stétié, Méditation sur la mort d'une figue
Fabrique du bleu
Parfaitement est le nom de l’imparfait
Brillant dans la complication des liserons
Debout, ce jardin de herses – pierres
Suspendues dans le froid léger le vent très haut
Singeant l’arbre et le feu de l’arbre, c’est très bleu
La conscience, bleu du bleu, l’apport des pierres
A la lune et à cela qui lui est nombre
Façonnant de tresses nouées les fleuves
Ce qu’ils disent : c’est la terre ici, ses respirs,
Son thorax, ses os iliaques se défaisant,
Dans ce pays qui paisiblement brûle
Sur des couples d’autorité, laurés, phalliques,
Endormis dos à dos sous l’arbre et ses monnaies
(Détachées, souriantes)
Homme et femme est donc ce doux monstre en ses beaux membres
Debout dans la poussière
Puis couché, recouché,
Entre pur et impur
Se refaisant
Salah Stétié, Fiançailles de la fraîcheur, Imprimerie Nationale,
2003.
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bio-bibliographique de Salah Stétié
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rendu d’une lecture-rencontre avec Salah Stétié (10 novembre 2005)
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