Je vous ai vus dans ces cliniques
où l'ombre semble avoir dévoré toute clarté
vous marchiez le long des couloirs
ou dans l'herbe rare des préaux
entourés de grilles
un adolescent gémissait sans cesse
un autre se déshabillait régulièrement
pour offrir son corps à la lumière du matin
vous étiez si loin
au-delà de toute compréhension
inaccessibles
emmurés dans le caveau de la maladie
toi tu avais des hallucinations
attaché sur ton lit comme un criminel
toi tu voyais de terrifiants vautours
rôder autour de toi
dans une lumière de soufre
ceux qui pouvaient encore parler
nous invitaient à nous pencher sur l'inévitable
comas insuliniques
cures de sommeil
électrochocs
[...]
j'étais entouré de malades
assis sans bouger sur leurs sièges durant des heures
rien ne remuait dans leurs visages cimentés
moi j'avais encore la force infernale
de penser à ceux qui riaient hors de ces murs
[...]
Francis Giauque, Œuvres, L'Aire bleue, 2005, p. 120.
Pour signaler la parution de ce livre et d'un très important
numéro de la revue suisse Intervalles, dont il sera rendu compte ultérieurement
sur Poezibao, numéro entièrement consacré au poète Francis Giauque, qui s'est
suicidé à 31 ans, il y a quarante ans.
Rédigé par : Alain MARC | mardi 22 novembre 2005 à 18h11