Rien qu'un cri différé
qui perce sous le cœur
Et je réveille en moi des
êtres endormis.
Un à un, comme dans un
dortoir sans limites,
Tous, dans leurs
sentiments d'âges antérieurs,
Frêles, mais décidés à me
prêter main forte.
Je vais, je viens, je les
appelle et les exhorte,
Les hommes, les enfants,
les vieillards et les femmes,
La foule entière et sans
bigarrures de l'âme
Qui tire sa couleur de
l'iris de nos yeux
Et n'a droit de regard
qu'à travers nos pupilles.
[...]
voilà que lentement nous
nous mettons en marche,
Une arche d'hommes
remontant aux patriarches
Et lorsque l'on nous voit
on distingue un seul homme
Qui s'avance et fait face
et répond pour les autres.
Se peut-il qu'il périsse
alors que l'équipage
A survécu à tant de vents
et de mirages.
Jules Supervielle, La Fable
du monde, suivi de Oublieuse
Mémoire, Poésie/Gallimard n° 219 (1987), p. 83.
Jules Supervielle sur Poezibao :
bio-bibliographie de Jules Supervielle,
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