Le poète Pierre Albert-Birot était à l'honneur hier au Cercle Aliénor. En attendant le compte rendu à venir dans quelques heures de la rencontre-conférence autour de son œuvre, cet extrait de son œuvre poétique.
N'aimant pas tronquer les poèmes mais étant toujours aussi respectueuse que possible des lois du copyright, je n'avais pas donné en entier le Troisième poème de Poèmes à l'autre moi. On peut relire le début ici et découvrir la suite ci-dessous.
Je trouve aussi quelque chose de très actuel dans ce poème alors que l'actualité médicale nous pousse à réfléchir sur ce que c'est qu'avoir un visage, sur ce que représente notre visage et sur l'expérience presque inconcevable de se retrouver avec une partie de la face d'un autrui mort.
Troisième poème (extrait)
[...]
Je sais que ma gueule pointue
qui voudrait être ne sait où
M'ennuie à me suivre partout
Malgré cet ennui qui la tue
Que disent mes yeux à mes yeux
Souvent ce qui n'est pas à dire
Jamais rien qui me fasse pire
Et je vis ma vie avec eux
Ces deux témoins privés d'image
Dont je suis forcé d'abuser
Qui me content sans s'amuser
Cette histoire de mon visage
Serais-je obligé de pleurer
Et de rester sur cette tombe
Jusqu'à ce que ma pierre tombe
En chère poussière à leurrer
Cette histoire de mon visage
M'avait hier bien endormi
Mais mon visage est un ami
Tout changeant comme un paysage
Et voici que j'aime aujourd'hui
Comme dans un grand paysage
A voyager sur mon visage
Avec mon amitié pour lui
Tu vois je me réconcilie
Avec moi tout entier merci
Et merci veux-je dire aussi
A la lumière qui nous lie
Et mes yeux disent à mes yeux
Quand je regarde la rosace
De ces deux maîtres de l'espace
Que ma vie est belle avec eux.
Pierre Albert-Birot, Poèmes à l'autre moi, in Poèmes à l'autre moi, précédé de La Joie des sept couleurs et suivi de Ma morte et de La Panthère noire, Poésie/Gallimard n° 396, 2004, p. 84
Pierre Albert-Birot dans Poezibao
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Présentation
du recueil Poésie/Gallimard
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