Pourquoi cette irritation
à écouter ces émissions littéraires où tous les lieux communs de la modernité
(de la vieillerie moderne) surgissent comme des crapauds ?
"L’intériorité", "le style", "la chair"
(des mots, bien entendu) et, surtout, "le corps". Ah ! le
corps, l’écriture du corps, le corps qui pense, etc., etc. Bien sûr, bien sûr,
il y a du juste là-dedans. Mais la répétition use. On est entre personnes de
bonne compagnie qui se comprennent à demi mots avec tous ces jokers qui évitent
de penser.
Or, ce qu’on appelle le corps dans le langage est tout sauf du biologique. Tout y est écho, assonance, ponctuation, syntaxe –– langage en un mot. Assez de cette métaphore vitaliste et paresseuse, l’écriture du corps ! Assez ! Montrez-la-nous, montrez-nous comment elle fonctionne au lieu de l’invoquer comme une invisible déesse. Non. Le corps n’est qu’une métaphore pour dire un rapport physique entre les mots. Il y a moins écriture du corps que corps de l’écriture –– épaisseur, densité concrète que sécrète et dans laquelle s’incarne un mouvement vivant qui n’existe qu’ici et à cet instant là.
©Jacques Ancet, Chutes, inédit, 2002
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