Pierre
Garnier n'arrête pas de relever les similitudes visuelles, de mouvements, comme
toute autre, toutes les similitudes entre un monde et un autre, une époque et
une autre, de bond en bond, d'un premier souvenir à un deuxième souvenir. Les
longs poèmes de Pierre Garnier avancent de répétition en répétition et
installent comme une certaine "ritournelle". Aussi le passage du
discours à la langue, que Pierre Garnier appelle le « poème »
— pont de l'un à l'autre, jeu du passage, entre l'écriture, son produit (sa
production), et l'écrivant se regardant l'effectuer, entre l'extérieur du poème
et son intérieur — en train de se faire. Dans ses livres il y a encore, au
niveau purement formel, la non distinction franche entre un poème et celui qui
le suit. C'est alors le sens, la tête du lecteur, qui "sent" s'il est
passé de la fin de l'un, au début de l'autre. Ce que j'appelle l'ésotérisme de
Garnier, se loge dans le passage à l'intérieur de la phrase, entre un monde et
un autre, qui produit un décalage, légèrement incompréhensible, très
légèrement, sur l'abord de la première lecture. Une phrase commence : le
lecteur est ancré dans un endroit, et au(x) mot(s) suivant(s), ce dernier est
transporté ailleurs, dans un ailleurs qu'il n'aurait jamais imaginé au début de
cette même phrase. Par la surprise, donc. Et la douceur, chaude, de la beauté
qui en émane.
* *
Garnier
: le poète de la perte.
©Alain Marc
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