Journal
d'un innocent de William Cliff (« Collection blanche », éd.
Gallimard, mars 1996) : étrange flottement entre le journal et le poème. On
passe soudain du poème rimé à dix vers, le dizain (forme rendue forte par l'art
de William Cliff), numéroté et bien distinct, clos sur lui-même, à un même
poème qui déborde et s'étale sur trois dizains : « sonner leurs bruits
les autos dans les blanches » (dernier vers du poème 34), « nuées
que poussent sur notre contrée » (premier vers du poème 35), et « qui
s'unissant feront que se refasse » (dernier vers du poème 35), « l'araignée
horrible dont les mâchoires » (premier vers du poème 36). Il y a
glissement, débordement, du texte sur la forme, pollution du journal — et du
narratif qui jaillit soudain — sur le poème, dans un combat (ou plutôt un
laissé aller, une prise de liberté) entre le dire et le dit, entre le dit et la
forme.
©Alain Marc
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