Maman, pourtant j'étais sage !
Noir ! Noir !
(paroles d'un enfant
enfermé dans la
chambre à gaz de Belżec en 1942 –
selon le témoignage du seul prisonnier
survivant). Rudolf
Reder, "Belżec ", 1946.
Tout a été utilisé
tous ont péri mais rien ne se perd
la montagne de cheveux tombés des têtes
pour la fabrique de matelas de Hambourg
arrachées les dents en or
sous l'anesthésie de la mort
Tout a été utilise
et même cette voix est utile
passée en contrebande jusqu'ici
au fond d'une autre mémoire
comme une chaux que les larmes n'éteignent pas
parfois Belżec s'ouvre jusqu'aux os
et d'éternelles ténèbres en jaillissent
comment arrêter cette hémorragie
et la plainte de l'enfant qui avait été qui avait été
la mémoire pâlit
mais ce n'est pas d'effroi
et ainsi depuis trente ans elle pâlit
et des millions de silences se taisent
mués en un nombre à sept chiffres
et hurle hurle une place vide
vous qui n'avez pas peur de moi
parce que je suis petit parce que je ne suis plus
ne me reniez pas
rendez-moi la mémoire de moi
ces paroles post-juives
ces paroles post-humaines
rien que ces sept mots.
Jerzy Ficowski, Déchiffrer
les cendres, poèmes, traduits du
polonais par Jacques Burko, Postface Anne Kamienska, suivi de Photographies
des lieux, par Marc Sagnol.
Éditions Est Ouest internationales, 2005, p. 27.
Ce livre étant devenu
très difficile à trouver (on DEVRAIT le rééditer), je signale que l'on peut
trouver aussi ce poème dans la petite anthologie de Jerzy Ficowski publiée tout
récemment par Buchet-Chastel., Jerzy Ficowski, Tout ce que je ne sais pas, Sept mots se trouve à la page 81
Jerzy Ficowski dans Poezibao
Fiche
bio-bibliographique
extrait
1 (Prière au saint pou)
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