« Elle fait partie de ces grands poètes juifs qui en allemand donnèrent chair aux choses indicibles. Paul Celan, Nelly Sachs, Ingeborg Bachmann, Elsa-Lasker Schüler sont ses compagnons. Rose est une sorte de nomade les yeux grands ouverts, nomade permanent de la survie. Sa foi indéracinable dans le pouvoir magique du mot, dans l'humain et dans l'amour, lui ont permis de survivre aux pluies d'acier du mal et de la désolation. Elle a vaincu la mort, la maladie et surtout le silence. »
lire la suite de cette très belle note de Gil Pressnitzer sur Rose Ausländer ici
Rose Ausländer est née Rosalie Béatrice Ruth Scherzer, le 11 mai 1901, dans une famille juive de langue allemande, à Czernowitz, ville de Bucovine (encore alors province autrichienne, terre de Brancusi, Aaron Appelfeld, Paul Celan, Moses Rosenkranz, Gregor von Rezzori, Constantin Brunner….). À la fin de la Première Guerre mondiale déjà, la famille de Rose fuit devant les troupes russes, se réfugiant à Budapest, puis à Vienne, avant de revenir dans une Bucovine désormais roumaine.
Rose devient par son mariage Rose Ausländer (ce qui veut dire hors du pays, étrangère !) et émigre avec son mari aux États-Unis en 1920 ; elle divorce en 1926. Elle rentre à Czernowitz en 1931 pour s'occuper de sa mère malade. Son premier recueil de poèmes, Der Regenbogen, (L'arc-en-ciel), paraît en 1939. Rose Ausländer est alors prise dans l'étau du ghetto (des 60 000 Juifs qui peuplaient Czernowitz avant la guerre, seuls 5 000 ont survécu) puis réussit à fuir en 1945 vers Marseille puis New York. Elle écrit alors en anglais après le choc de la rencontre avec les poésies de Cummings et William Carlos Williams. Elle reviendra cependant ultérieurement à l'allemand, notamment après un voyage en Europe en 1957 où elle revoit Paul Celan qu'elle avait connu dans le ghetto. Ce n'est qu'en 1965 que paraît à Vienne son premier recueil après Der Regenbogen : Blinder Sommer (Eté aveugle). Une vingtaine de recueils suivront.
Elle décide de revenir s'installer en Europe. Ce sera l'Allemagne, Düsseldorf. Elle reste longtemps totalement ignorée. Devenue grabataire en 1972, elle est conduite à la maison de retraite "Nelly Sachs" où en 1975, l'éditeur Helmut Braun qui lance une nouvelle collection de poésie s'intéresse à elle et la fait enfin connaître.
Elle est morte le 3 janvier 1988, ayant écrit jusqu'au bout : « pour vivre, pour survivre ». .
On recense aujourd'hui plus de 2500 poèmes de Rose Ausländer, près de 1500 ébauches et quelques proses. Tous ces écrits sont archivés, avec l'ensemble de la correspondance à l'Institut Heinrich-Heine de Dusseldorf.
« On compte en tout et pour tout quatre recueils de poèmes d'elle traduits en français, auxquels on peut ajouter quelques poèmes publiés dans diverses revues et anthologies. C'est très peu et c'est regrettable. Le recueil que les éditions Æncrages & Co publient, "Cercles ", est un pas pour qu'enfin cette poétesse, reconnue depuis longtemps en Allemagne comme l'une des grandes poétesses de langue allemande du XXème siècle, accède en France à la reconnaissance qu'elle nous semble mériter. "
Lire le reste de cet article sur le site de Æncrages & Co
Titres des ouvrages en allemand :
Der Regenbogen
Blinder Sommer
Brief aus Rosen
Denn wo ist Heimat?
Die Musik ist zerbrochen
Die Nacht hat zahllose Augen
Die Sonne fällt
Gelassen atmet der Tag
Hinter allen Worten
Sanduhrschritt
Schattenwald (
Schweigen auf deine Lippen
The Forbidden Tree
Treffpunkt der Winde
Und nenne dich Glück
Wir pflanzen Zedern
Wir wohnen in Babylon
Wir ziehen mit den dunklen Flüssen
Herbst in New York
An ein Blatt
bibliographie en français
Poèmes, traduction d’Eliane Blüher, Ursa, 1988
Cristal, choix de poèmes, traduction de Michel Lemercier, BF éditions, 2000
Compte les étoiles de mes mots, L'Age d'homme, 2000
Kreisen, Cercles, traduction Dominique Venard, Aencrages & Co, 2005
Blinder Sommer, été aveugle, traduction Dominique Venard, Aencrages & Co, 2010
Je compte les étoiles de mes mots, traduction Edmond Verroul, éditions Héros-Limite, 2011
Plusieurs parutions en revue, notamment
Le nouveau Commerce, n° 64, 1986, traductions de Nicole Bary et Marcelle Fronfreide
Europe, 1995, traduction de Colette Rousselle
Revue Liberté n° 235, vol. 40, 1998, traductions de Michel Lemercier
Revue If, n° 27, 2005, traductions de Sylvie Leblois-Dumet et Catherine Weinzaepflen
Revue Fario, dossier Poètes de Czernowitz, n° 7, 8 et 9 (par François Mathieu)
Une page absolument remarquable sur Rose Ausländer
Écouter des poèmes lus par Rose Ausländer (en allemand)
Un beau répertoire (à liens) de poèmes (en allemand)
Rose Ausländer a été au programme du CAPES et d'agrégation d'allemand 2005-2006 :
Rose Ausländer, Gedichte, Fischer.
"Écrire, c'était vivre. C'était survivre." On étudiera l'évolution poétique de Rose Ausländer en s'attachant plus particulièrement aux thèmes récurrents de son œuvre : le judaïsme (lié aux motifs de l'enfance) et la Shoa, l'exil et le voyage, et enfin l'amour, la relation à autrui et la mort. On portera une attention particulière aux "poème poétologiques" et on s'interrogera sur la notion de "Heimat" en poésie.
Un livre à signaler en rapport avec ce programme
Jacques Lajarrige, Marie-Hélène Quéval, Collectif, Gedichte de Rose Ausländer, Éditions du Temps.