Je cherche surtout le silence intérieur
Henri Cartier-Bresson
C'est une superbe
exposition qui se tient actuellement et jusqu'au 9 avril à la Fondation H.C.B.,
(Henri Cartier-Bresson), à Paris.
Déjà frappe son intitulé
suggérant qu'il ne s'agit pas ici d'une simple galerie de portraits, si
prestigieux soient-ils, mais aussi d'une réflexion sur l'art du portrait, art
photographique sans aucun doute mais aussi art du portrait en soi. On remarque
au demeurant dans l'exposition la présence de deux photos, l'une de Roland
Barthes et l'autre de Susan Sontag qui tous les deux ont beaucoup écrit sur la
photo. Ce n'est évidemment pas un hasard.
Intitulé frappant en
effet : "le silence intérieur
d'une victime consentante" ; on ne sait si la "victime" est
totalement "consentante", car HCB avait une façon bien à lui
d'opérer, faisant souvent une série de photos puis laissant croire à son sujet
qu'il en avait fini et soudain prenant LE cliché qu'il attendait, alors que la
personne avait baissé la garde, cessé d'endosser en quelque sorte l'image
d'elle qu'elle voulait donner.
Et cela donne une série
de portraits sidérants ! Même lorsqu'il s'agit des quelques anonymes présentés
dans l'exposition. Mais plus fascinants encore lorsque ce sont les plus grands
artistes qui sont ainsi photographiés. Parmi les écrivains : Louis-René des
Forêts (1995), Michel Leiris, Pablo Neruda, Albert Camus, Breton (1961),
Eluard, Aragon, Elsa Triolet, Simone de Beauvoir, Sartre, Colette et sa
gouvernante, Cioran (1984) mais aussi Truman Capote (1947), Carson McCullers,
Faulkner, Julien Gracq, Ezra Pound (en 1971, une des photos les plus
saisissantes de toute l'exposition), Samuel Beckett (1964), Paul Léautaud dans
son jardin (1952), René Char ; du côté des peintres : Bacon (1971), Matisse (vers
1944), Chagall, Bonnard (photo étonnante qui ressemble à une toile), Braque
(1958), Miro (1953), Sam Szafran ; parmi les musiciens, Stravinsky, Honegger,
Messiaen (1962) : près d'une centaine de photos en tout.
Et il y a bien une sorte de silence ici. Silence qui émane de certaines photos, par exemple celle de Joe le trompettiste et sa femme May (1935), de presque toutes les photos en fait où deux éléments dominent quasiment toujours, les yeux et les mains. Comme en suspens, au bord du gouffre, créant pour le spectateur une impression très étrange, non pas celle procurée par un papillon ou un insecte épinglé dans une boîte, mais celle d'une présence absente, ou d'une absence présente, on ne sait comment dire, l'empreinte dans le flux du temps d'une vie : "l'homme et sa vie. Si courte, si frêle, si menacée" dit quelque part Henri Cartier-Bresson à qui Yves Bonnefoy, dans une lettre exposée à la Fondation, écrit en 1997 "tu es incapable de ne pas aimer".
Le catalogue reproduit tous les portraits de l'exposition. Il est préfacé par Jean-Luc Nancy à qui j'emprunte ma conclusion : "HCB, c'est eux tous ensemble et un par un, c'est un seul regard disséminé en centaines d'autres, tous ceux auxquels il s'est donné pour manifester leur mystère".
Pour en savoir plus, on
peut télécharger le dossier de presse (au format PDF) en cliquant sur le lien ci-dessous, mais attention le fichier est un peu lourd, il y a un petit temps de chargement (préface de Jean-Luc Nancy, liste complète des photos, quelques reproductions). Ce dossier est également accessible directement par le site internet de la Fondation HCB.
dossier de presse de l'exposition HCB
photos Truman Capote en 1947 et Ezra Pound en 1971.
Fondation Henri
Cartier-Bresson
2, impasse Lebouis, 75014
Paris
du mercredi au dimanche
de 13h00 à 18h30
le samedi de 11h00 à
18h45
nocturne gratuite le
mercredi jusqu’à 20h30
dernière entrée 30mn
avant la fermeture
Fermé lundi, mardi et
jours fériés
site : www.henricartierbresson.org
Rédigé par : grapheus tis | lundi 06 février 2006 à 09h06
Rédigé par : Jean-Marie | samedi 04 février 2006 à 20h10