Pour célébrer la parution d'un cinquième volume
André Frénaud dans la collection Poésie/Gallimard, Nul ne s'égare précédé de Haeres (attention le poème
ci-dessous n'est pas extrait de ce recueil, mais de Il n’y a pas de paradis). Ce dernier livre, paru
en 1967 est également remis en vente sous une nouvelle couverture.
ANCIENNE MÉMOIRE
à Jean Bazaine
Déjà, le front contre la pierre,
de mille années je me souviens.
De la France jeune, juchée sur les collines,
de la soupe épaisse et des creux d’eau dormante,
des cultures enclavées dans les forêts approfondies,
des premières vendanges et des nouveaux promus,
de la lumière étonnée de la lune pleine,
de l'éclat matinal du manoir et de la métairie,
des poires en espalier et des viviers sans nulle peine,
des corbeaux patrouillant et de leurs cris d'effroi,
du feu qui s'envolait de la vierge vaincue,
de la neige sur les épines où l’on s'enfonce,
des aubes malicieuses et des couchants salis,
du grand soleil reverdissant la montagne,
du long courage des grands-parents,
de la finesse du bois travaillé,
des abdications et de l'honneur,
de la mort très ancienne,
de la douleur quotidienne,
de l'amour amer,
du bonheur pâli,
de toi de moi, si peu que rien.
André Frénaud, Il n’y a pas de paradis, Poésie/Gallimard 1967,
p.127.
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