Lac, il y a là un lac.
Avec toute l'ambivalence d'un lac : "berceau caveau"
Beauté et angoisse, mêlées, alternant, au fil des mois, au fil des jours, au fil des mots. Unité de lieu mais pas unité de temps,
celui-ci se dépliant en quatre saisons, à partir de l'été. .
Sylvie Fabre G. interroge le monde et la perception qu'elle en a, médiatisée par cette figure centrale du lac de montagne,
tour à tour toute splendeur et masse inhospitalière, inquiétante, noire : "Les eaux percent une clarté au creux d'abîmes qui fondent la vie". Pour les cerner, clarté, abîmes, elle polit de courts textes de prose poétique brillant d'un éclat très
particulier, comme ce lac de montagne impénétrable et
pourtant si parlant.
Elle dit ce paysage, elle se dit dans ce paysage, elle dit son peu de
certitude, de mots, "tu ne sais pas dire le monde, seulement ce qui
tremble en toi après provision de sa misère", autour de la question
lancinante de la présence "quelqu'un vit, tu ne sais pas si c'est toi" ; mais elle dit aussi sa ferveur, ce beau mot
un peu oublié que l'on retrouve plusieurs fois sous sa plume dans ce livre.
"Tu relies et le temps et la tombe et ce lac gisant de silence".
Quatre saisons, dix proses pour chacune, quarante textes magnifiques pour
scruter comme l'eau du lac ce quelque chose ou ce quelqu'un qui sans cesse se
dérobent mais que l'on sait être là : "pour forcer les apparences, nos
mots boivent au ras de la beauté".
Sylvie Fabre G. s'inscrit ici dans une tradition, celle de l'homme en face d'un
élément de la nature, miroir de son espoir et de son désespoir, là où
"l'eau la voix et la pierre retrouvent un nom".
Son livre qui porte un frontispice de Frédéric Benrath paraît dans la très
belle collection Grammages de l'Amourier : superbe typographie, Garamond, corps
14, qui magnifie encore le texte, sur vélin Palatina 100 g de chez Fabriano
; et pour la couverture avec rabat une
impression par foulage à sec avec reproduction en creux des premières lignes
"les hirondelles tapent du bec sur le vert, le lac tourne. Elles ne
perdent pas le fil de l'eau, elles signent un acte de mémoire, insectes,
oiseaux, vaguelettes sous l'opaque la transparence.....".
Un livre rare, comme on dit un moment rare : "nous ressemblons à ce qui
fait monde et non demeure. Un lac, une main sont chapelles à nous recueillir, à
respirer la certitude, lieux et doigts noués dénoués dans la rencontre de
quelqu'un ou quelque chose".
Je voudrais aussi conseiller de lire la très belle note de lecture que la
revue Terres de Femmes a consacrée récemment à un autre livre de Sylvie
Fabre G., l'Approche infinie
Sylvie Fabre G. Quelque chose, quelqu'un, frontispice de Frédéric Benrath, l'Amourier,
2006,
isbn 2-9151120-13-7, 19 €
©florence trocmé
Rédigé par : Maximine (Lagier-Durand) | dimanche 05 mars 2006 à 10h51