En hommage à Jean Grosjean qui
vient de mourir, ce lundi 10 avril 2006.
Abyssus abyssum
J'ouvre les yeux dans mon terrier d'étoile et la nuit que je regarde se retire
avec ses clignements blêmes, se noie parmi les clairs débris des nues.
Oh ! le zèle d'une mare, tel puissé-je attentif extraire des buées les clartés rétractables
que le ciel autrement ne saurait.
Deux fronts bicornes appuient contre le joug, les pieds fourchus foudroient la rosée
des fleurs, le ciel nu somnole au fond du char vide sur le grincement des
essieux.
Combien naître nous scinde ! Empêtré d'un miroitement de papillons, j'affronte
de mon étincelante pâleur le ciel.
Je suis le frémissement de l'avoine, le balancement des ramures chanteuses,
chaque feuille dont les nervures irriguent un or vert. Je renverse sur le ciel
ma face mêlant nos respirations.
Dénivelé j'épie à travers les astrolabes des branches l'azur qui cache un
fourmillement d'étoiles. J'entends bruire sa fuite entre les galets de feu et,
loin, sa chute dans l'âme sourdement.
[...]
Jean Grosjean, La Gloire, précéde Apocalyspe, Hiver et Elégies, Poésie /
Gallimard, n° 45, 1969, p. 53.
Bio-bibliographie
de Jean Grosjean
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Rédigé par : jjacques dorio | jeudi 13 avril 2006 à 19h05