Je publie aujourd'hui les quatre premières sonnets d'un poème de Marie Ponsot, paru dans la revue Siècle 21 n° 5 dans un dossier "Ce qui reste de toi", qui abordait le thème de la mort d'un proche, la mère surtout. Je donnerai la suite de ce poème ultérieurement.
APRÈS COUP
à ma mère, Marie Candee Birmingham
1
Sombre dans la clarté, la crainte de toi me
Déchire. Qui étions-nous ? Pour servir à quoi ?
Inconsolée, je viens t'habiter dans mes rêves.
Les affres de la pensée me paient en retour
D'une fauvette bleue frappée de monnaies d'or.
Présage de réussite : je prends le risque
D'affronter l'atroce perte toujours plus, ou
De nous retrouver, nous apaiser toutes deux.
Un jour, d'arbre en buisson à guetter les oiseaux,
Un bonheur partagé nous a laissées sans voix :
Diamant au doigt tu m'as montré la hulotte
En diurne nichée, le merle à aile rouge,
L'aigrette du martin-pêcheur. Mère, je rêve
Trop froid pour voir aux bois d'ombre que tu me lègues.
2
Cette fois, dans l'ombre des bois que tu me lègues,
À mon doigt j'ai passé l'éclair du diamant,
Folie paillée de ta bague de fiançailles,
Gage à mille facettes de premier amour.
Façonné sans grand soin par le feu dont, prodigue
Des carats, j'emplis mes étincelantes failles,
Le flagrant enthousiasme que j'affectionne
Aboutit à cette sorte d'incandescence.
Demeurée tienne et devenue mon talisman,
Dans ma quête de toi, égarée, après coup.
Mais tu me l'as léguée ; portant l'anneau
Je suis mère pour deux, Mère, je cerne et dis
Ce nom qui s'envole et qui, pour nous deux, de bouche
En riche sein était une création.
3
Riche en notre sein était la création
Du toujours encore plus idéal des amants dans
Leur quête du parfait ; dans ma perfection
Se refléterait la tienne ; dans mon amour
Il y aurait le tien ; et pour l'autre chacune
S'ouvrirait en jardin secret pour y offrir
Affection. Mère, tu étais bien novice,
Mais lorsque tu nous baguais de trèfle tressé
Dans l'espoir de sceller l'union de nous deux,
L'espoir, au moins, vivait. Voici que je me trouve
Grosse du verbe qu'il te fallait qualifier.
Te voilà devenue sujet de contrebande,
Mi-réel, mi-apparent pour impressionner,
Dont je reconnais le diamant à mon doigt.
4
Dans ce diamant, je reconnais à mon doigt
Ce monde imaginé où, une, nous vivions.
Tu es dans les os, racines, sables de Queens,
En lieu et place de ce morceau de carbone,
Déterré, enterrée. Pour comprendre ces ombres
Dont, enfant, je n'eus jamais peur, je pars forer,
Taupe aveugle, dans le noir et loin des oiseaux,
L'hémisphère caché, l'autre face des mots
Où de noirs poèmes sus depuis longtemps disent
La force d'un amour qui éclate au grand jour.
Au plus profond des plus anciens imaginaires
Inexplorés je m'en vais battre le rappel
D'images d'antan, proscrites ou négligées
Pour exhumer ce que de toi j'ai honoré.
Marie
Ponsot, traduction Jean Migrenne, revue Siècle 21 n° 5, automne-hiver 2004, p.
114.
Lire la version originale de ce poème
LATE
for Marie Candee Birmingham,
my mother
I
Dark on a bright day, fear of you is two-poled,
Longing its opposite. Who were we?
What for? Dreaming, I haunt you unconsoled.
Rewarded as I force thought outward, I see
A warbler, a Myrtle, marked by coin-gold—
I feel lucky, as if I’d passed a test,
And try my luck, to face the misery
Of loss on loss, find us, and give us rest.
Once we birdwatched, eyeing shrub & tree
For the luck beyond words that was our quest;
Your rings flashing, you showed me day-holed
Owls, marsh blackbirds on red wings, the crest
Kingfishers bear. Mother, dreams are too cold
To eye the dark woodland of your bequest.
2
To eye the dark woodland of your bequest
I wear the fire of diamond on my hand,
Flawed extravagance of your first love expressed
In a many-faceted engagement band.
Recklessly cut with the blaze I invest
In my dazzling flaws, careless of weight,
The fiery cast of mind that I love planned
To sacrifice carat-points for this bright state.
It is yours still, and I go talismanned
By you to find you, though I’m lost & late.
You left this for me; ringed I go dressed
To mother us, mother, to isolate
And name the flight of what, mouth to rich breast,
We meant while we were together to create.
3
We meant while we were together to create
A larger permanence, as loves do,
Of perfecting selves: I would imitate
By my perfections, yours; I would love you
As you me, each to the other a gate
Opening on intimate gardens and
Amiable there. Mother you were new
At it but when you looped us in the bands
Of clover hope to be each other’s due,
The hope at least lasted; here I still stand
Full of the verb you had to predicate.
Though you as subject now are contraband
Half-hidden, half disguised to intimidate,
I recognize your diamond on my hand.
4
I recognize the diamond on my hand
As the imagined world where we were whole.
Now among boxed bones, pine roots & Queen’s sand,
You have changed places with this bit of coal,
Dark to light, light to dark. To understand
The dark your child never was afraid of
I go lightless sightless birdless mole
In the dark which is half what words are made of;
I enter the dark poems memories control,
Their dark love efficient under day love.
Down I go down through the oldest unscanned
Scapes of mind to skim the dim parade
Of images long neglected lost or banned,
To root for the you I have not betrayed.
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