Chœur
des choses abandonnées
Cruche dans les décombres
Étais-je la cruche d'où le soir
s'écoulait comme du vin
Et vers le rosier parfois quelque lune prisonnière ?
La nuit d'agonie de la vieillarde, je l'ai enfermée,
Quand haletait son souffle telle la chèvre à son piquet.
Ô cruches, cruches ! ce qui tient dans une mesure d'adieu
Voilà ce que nous contenons ; de la nature qui s'épand.
Nous sommes comme des cœurs d'où sans cesse tout déferle
Et s'arrête comme le temps dans une horloge.
Une lumière à moitié consumée
Ô mon jeu d'ombres ! je voyais en toi, je voyais –
La main de poussière tombale qu'une étoile égara.
Le temps dans son berceau de mort criait – je voyais
La bouche d'Israël en tourment, courbée comme une bague.
Un soulier
Mesure humaine perdue ; je suis la solitude
Que vous cherchez en ce monde, frères et sœurs –
Ô Israël, de la souffrance de tes pieds
Je suis un écho qui hurle au ciel.
Chœur
Mais nous, depuis que nous étions terre,
Avons par vous traversé tant de morts –
Si tu es un ruban enlevé des cheveux morts,
Fais-toi miracle, deviens pain.
Voici un livre où tournent les mondes
Et le secret chuchote derrière une fente –
Jette-le dans le feu, la lumière ne sera pas orpheline
Et le sommeil des cendres renaîtra silhouette d'étoile.
Et si nous portons le sceau des mains humaines
Et les regards de leurs yeux enfouis comme une proie –
Alors lisez-nous comme une écriture inversée dans le miroir
Chose morte d'abord puis poussière humaine –
Nelly Sachs, Éclipse d'Étoile,
traduit de l'allemand par Mireille Gansel, Verdier, 1999, p. 50.
Nelly Sachs dans Poezibao
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6 (correspondance avec Paul Celan) extrait
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autour de,
un
entretien épistolaire avec Lionel Richard (1968),
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