La revue Les heures a publié à l'automne 2005 son septième
numéro, sur le thème des Traces.
Cette revue en est à sa quatrième année d’existence. D’une présentation sobre
et élégante, elle publie deux numéros, thématiques, de 62 pages par an,
rassemblant chaque fois une dizaine d’auteurs et quelques
« impressions », notes de lecture très détaillées.
L’éditorial du premier numéro affirme : « La revue se veut passeur
des textes littéraires qui nous font tenir debout et qui, loin des courants et
des modes, célèbrent et interrogent notre expérience humaine. Nous souhaitons
ouvrir « les heures » à tous ceux qui, auteurs et lecteurs,
ont en commun une attention au monde (…) Des voix qui nous attirent en
nous-mêmes, nous donnant à entendre nos propres silences.»
Une approche qui se retrouve dans les thèmes des six premiers numéros : Épiphanies,
Gestes, Célébrer, Enfances, Chemins, Écouter.
Jusqu’à présent, la revue n’a publié que des auteurs d’expression
française, à l’exception de Conrad Ferdinand Meyer (n° 7), écrivain suisse d’expression allemande
(1825-1898), traduit par Philippe Jaccottet.
46 poètes contemporains figurent dans les sept premiers numéros :
Joëlle Abed, Marie Avril, Élisabeth Bing, Anne-Lise Blanchard, Gérard
Bocholier, Claudine Bohi, Laurent Chaîne, Judith Chavanne, François Cheng,
Georges-Emmanuel Clancier, Emmanuel Damon, Bertrand Degott, Bruno Dell’Oste,
Chantal Deltenre-De Brucycker, Pierre Dhainaut, Frédéric Dieu, Bernard Grasset,
Isabelle Guigou, Chantal Herrault, Henri Heurtebise, Solange Jarry, Georges-Noël
Jeandrieu, Didier Jourdren, Charles Juliet, Sébastien Labrusse, Pascale
Lagarde, Jean-François Le Gal, Anna Leur, Pierre Lévis, Georgia Makhlouf, Jean
Mambrino, Stéphanie Mercier, Joseph Ohmann-Krause, Anne Perrier, Jean Pichet,
Patrick Piguet, Liviane Pinet, Henri Raynal, Geneviève Roch, Bernard Schürch,
Josette Ségura, Jean-Marc Sourdillon, François Teyssandier, Jean-Pierre
Thuillat, Maïté Vienne-Villacampa, Marianne Walter.
On peut y ajouter 8 écrivains « classiques », dont de courts textes
ouvrent chaque numéro : Joachim Du Bellay, Marceline Desbordes-Valmore,
Victor Hugo, Gérard de Nerval, Charles Baudelaire, Conrad Ferdinand Meyer,
Jules Renard, Albert Camus.
Pierre Dhainaut a été publié à trois reprises (numéros 2, 4 et 6). Des textes
qui réaffirment le lien intime, indestructible, entre chaque individu et
l’univers, le microcosme et le macrocosme :
« ... tu l’écouteras davantage
amener de très loin la vague immense qui déferle,
les embruns qui se brisent, et tu écouteras de même
ce qui semble un murmure entre tes lèvres »
(n° 2, p. 23)
« Au lieu de contempler les cimes, ramasser un caillou, l’arracher à la
poussière »
(n° 4, p. 14)
Une attention toujours en éveil, qui parfois devient douloureuse, quand le
regard se pose sur un enfant trisomique :
« ... rien ne va plus de soi dans nos définitions. (...) Il y a sur son visage des sourires qui ne
peuvent tromper, qui disent que cet enfant se sait aimé. »
(n° 4, p. 16)
Attention, patience et courage, réaffirmés dans une suite de neuf haïkus :
« Intactes, les forces de l’éveil,
nos paupières baissées :
que la neige tombe, nous l’entendrons bien. »
(n° 6, p. 25)
Bertrand Degott publie, dans les numéros 5 et 7, douze poèmes qui se tiennent,
comme ironiquement, à la lisière d’une forme ultra-codifiée, celle du sonnet.
Ils ont bien les quatorze vers réglementaires - décasyllabes ou alexandrins
pratiquant volontiers, première provocation, césure flottante et enjambement -
mais ces quatorze vers se répartissent insolemment en trois quatrains et un distique,
modifiant à peine, sans avoir l’air d’y toucher, la disposition traditionnelle
en deux quatrains et deux tercets.
Douze « presque-sonnets » donc, évoquant le temps qui passe, la
fragilité des souvenirs, l’érosion et l’usure des sentiments que l’on croyait
les mieux enracinés
« ... n’oublie pas qu’on ne triche
pas avec ça, que tout sera détruit
le cerisier peut fleurir, je m’en fiche
il peut crouler sous le poids de ses fruits
ce qui m’importe, c’est de dire encore
le décor et l’absence du décor. »
(n° 5, p. 20)
Ou bien célébrant l’œuvre du graveur Jean-Marie Granier :
« mais alors votre main jusqu’au burin qui tremble
que faudrait-il pour qu’elle aussi me dirigeât ? »
(n° 7, p. 26)
Gérard Bocholier figure dans les numéros 2, 3 et 7, avec de courts et denses
poèmes, tendus entre vertige du deuil et célébration d’une présence lumineuse,
immarcescible :
« La mort dans la boue
Cède sous les sources
Dans la paume exulte
Un creux de lumière »
(n° 2, p. 18)
Tant d’auteurs à citer... On y renonce, vous invitant à vous porter à leur
rencontre, à découvrir leurs textes dans les pages de cette revue exigeante et
ambitieuse, qui poursuit son chemin en solitaire, oubliée des subventions et
des organismes officiels.
On ne peut que lui souhaiter longue vie.
©Pierre Maubé
Les heures : revue semestrielle de poésie / dir. Chantal
Herrault. – Paris (49, boulevard Saint-Michel, 75005), parait depuis 2002. –
ISSN 1637-4525.
Tirage : entre 300 et 400 exemplaires.
Chaque n° : 10 €. Abonnement (2
n°s) : 18 €.
Rédigé par : Maximine | samedi 24 juin 2006 à 11h32