La première question posée était celle-ci :
"Êtes vous d'accord avec l'assertion qu'il n'y a que très peu de poètes
femmes de très grande stature ? "
Le moins que je puisse dire est que cette formulation a suscité beaucoup de
réactions, souvent presque polémiques. La "stature" a fait problème
et ce qui est intéressant c'est que dès la contestation de cette formulation,
émergent des éléments qui permettraient de distribuer les réponses des uns et
des autres selon différentes lignes de force.
Ce premier article propose donc un florilège des réponses sur la question de la
stature.
Lucie Petit par exemple exprime de façon synthétique la problématique de
ma question : "la grande stature est-elle une notion de célébrité, de
reconnaissance publique, de popularité, de présence dans l'enseignement
scolaire, de collection de prix littéraires ou une notion de qualité ?"
s'interrogeant pour savoir comment on peut « classer » des poètes.
"La notion de poète de grande, voire de très grande stature me gêne
profondément", dit Christiane Veschambre, ajoutant qu'elle ne peut
s'empêcher d'y entendre "grande statue" ou "grand statut"
et que "ces notions de haute reconnaissance en terme de stature
incontestable risquent de participer à l'entreprise de dénégation,
d'empêchement même, de la création des poètes femmes (comme des femmes
philosophes, peintres, etc.).
Sur la même longueur d'onde sans doute, Danielle Maurel qui dit qu'elle
aimerait mieux lire "pourquoi si peu de poètes femmes publiées, mises en
avant dans les revues, alors que leur compétence poétique n'est a priori pas
inférieure à celle des hommes"
"La réponse est difficile à cause de la question" dit Laurent
Grisel qui s'interroge notamment sur le "très peu" : "quelle
quantité ? Il faudrait dire, arbitrairement, une dizaine par siècle. Alors on
ne peut être qu'en désaccord avec cette crainte, cette angoisse, car les noms
viennent". Véronique Vassiliou avoue qu'elle "préfère les
petites statures (ce qui se passe dans les coins, en marge, dans les
correspondances, Mme de Sévigné, Louise Labé, Emily Dickinson), faisant
remarquer que "la taille moyenne des femmes est inférieure à celle des
hommes. Des explications sont avancées, par exemple par Marie-Ange Sébasti
qui souligne que "la grande stature n'est donnée que par la notoriété
(même posthume) et la notoriété ne dépend que de l'œuvre connue, donc de la
publication…à laquelle les femmes poètes, même de grande stature potentielle,
n'ont pas forcément eu un accès facile".
Jean-Marie Perret se dit aussi très mal à l'aise avec ces questions
d'évaluation et préfère reformuler la question : "pourquoi y a-t-il
davantage d'hommes que de femmes dans la bibliothèque idéale qu'on lit et relit,
conseille à ceux qu'on aime, et qu'on emporterait sur une île déserte ?".
Et dès cette première question, Geneviève Pastre souligne qu'il y a
peut-être, si on répond oui, une question de point de vue ; qu'en serait-il à
l'échelon international, connaît-on bien les poètes orientales, chinoises et
japonaises ? On verra que cette
approche ouverte de la question se retrouve souvent dans les réponses. Question
du point de vue aussi posée par Pierre Kobel qui souligne que "dans
le monde des cénacles, des revues, de la petite édition, elles sont plus
nombreuses que les hommes".
Pour Alain Marc, "vouloir séparer, voire opposer, masculin et
féminin est une erreur." Même son de cloche avec Ronald Klapka
"je place Dickinson au-dessus de beaucoup de poètes, son appartenance au
sexe féminin m'importe peu". Et Liliane Giraudon d'affirmer
"il y a très peu de poètes hommes de grande stature (tout dépend comment
on évalue la stature". Sylvie Fabre G. se place dans une
perspective historique soulignant que "il y a des femmes poètes de très
grande stature mais elles sont peu nombreuses car elles sont au début de leur
prise de parole poétique". En accord avec Marie Florence Ehret
"pour qu'un poète atteigne une grande stature, il doit être reconnu pas
ses pairs, se développer dans un espace qui le soutient". Mais là, on en
conviendra, on est déjà dans les réponses au "pourquoi", que je
présenterai ultérieurement.
Une mention spéciale à Cécile Clozel qui comme Véronique Vassiliou parle
des « petites statures », non sans humour pour souligner qu'il y a
"aussi beaucoup moins de femmes poètes de très petite stature ou autrement
dit beaucoup d'hommes qui publient des trucs qui ne m'intéressent pas" !
(à suivre)
©poezibao, 2006
voir aussi sur Poezibao :
La place des femmes poètes 1 :
présentation ;
La place des femmes poètes 2 : liste de
toutes les poètes cités
Rédigé par : Corentin | mercredi 03 mai 2006 à 15h32