Nombreuses sont les
raisons pour Poezibao d'attirer l'attention sur le tout nouveau numéro de la revue Europe : son substantiel dossier Marcel Schwob en
premier lieu, mais aussi une nouvelle traduction proposée par Jean Mambrino du
très célèbre poème de Gérard Manley Hopkins, Le naufrage du Deutschland, donné ici en version bilingue.
Marcel Schwob est né en
1867 et mort très prématurément en 1905. "Magicien du conte, poète,
essayiste, philosophe, romancier, traducteur de Shakespeare pour Sarah
Bernhardt, journaliste, il fut aussi ami de Stevenson qu'il aurait aimé
rejoindre aux Samoa. C'était un érudit captivé aussi bien par le théâtre élisabéthain que par les récits
de piraterie ou le jargon des Coquillards". Parmi ses livres les plus
célèbres, les Vies imaginaires, Le Livre de Monelle, Cœur
double ou La
croisade des enfants. Il fut
poète de la diversité du monde et de la réconciliation de l'art et de la quête
de vérité, attentif à la parole et à la mémoire des marginaux, persuadé que « le vrai lecteur construit presque autant que
l'auteur » et que celui qui entre en littérature arpente un
territoire ouvert, à la fois non pareil et commun -le territoire de l'homme-.
Gérard Manley Hoplins est
né en 1844 en Angleterre. Il se convertit au catholicisme en 1867 sous
l'influence de Newman et entra chez les Jésuites. Il laissa à sa mort en 1899
une cinquantaine de poèmes achevés d'un langage si nouveau qu'ils restèrent
largement incompris avant d'exercer une influence majeure sur une partie de la
poésie contemporaine anglaise.
Lorsque durant l'hiver de 1875 le navire Deutschland sombra à l'embouchure de
la Tamise et que cinq religieuses franciscaines, exilées d'Allemagne par les
lois Falck se noyèrent, ému par ce drame, Gérard Manley Hopkins écrivit son
plus long poème.
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She drove in the dark
to leeward,
She struck – not a reef or a rock
But the combs of a smother of sand – night drew her
Dead to the Kentish Knock
And she beat the bank down with her bows and the ride of her keel :
The breakers rolled on her beam with ruinous shock ;
And canvas and compass, the world of the wheel
Idle for ever to waft or wind her with, these she endured
Il dériva dans le noir sous le vent,
Il heurta – non pas récif ou roc
mais les crêtes d'un sable engluant ; car la nuit
Le poussa droit au Kentish Knock ;
Il emboutit le banc de ses bossoires, de sa quille :
Les lames roulèrent par son travers avec un sauvage choc,
Voiles, compas, hélice et barre désormais
Incapables de le mouvoir, mener au vent. Tel fut son sort.
A signaler aussi dans le
cahier de création de la revue, une belle présence de la poésie avec des textes
de Djordje Balasevic, Milena Markovic, Arjen Duinker & Karine Martel, Mario
Campana, Marie Huot, Claire Larrière, Joëlle Gardes.
Revue Europe, n° 925, mai 2006,
18,50 €
Rédigé par : Pfister Pascal | mercredi 10 mai 2006 à 23h08
Rédigé par : catherine Flament | lundi 08 mai 2006 à 19h54