Juan Ramón Jiménez Mantecón est né le 23 décembre 1881 à
Moguer, au numéro 2 de la calle de la Ribera. Fils de Víctor Jiménez et
de Purificación Mantecón, commerçants en vins. Après un baccalauréat obtenu
dans une établissement de Jésuites, il commence des études de Droit à Séville
sur l’injonction paternelle, mais il les interrompt de son propre chef :
il a déjà reçu la certitude de sa vocation à la lecture des poèmes de Rubén
Darío, pionnier du Modernisme.
Ses premiers textes paraissent en 1900 : Ninfeas
[« Nymphéas »]et Almas de Violeta [« Âmes de
violette »]. La ruine de la famille après le décès du père cette même
année sera intensément ressentie par le poète, et en 1901, il sera admis pour
dépression à caractère hystérique dans un sanatorium, où il aura une aventure
avec l’épouse de son psychiatre.
En 1905, retour à la maison de la calle Aceña, pour le règlement des
problèmes économiques traversés par la famille. Grande production littéraire.
Nombre de ces livres seront recueillis dans son Anthologie Poétique de 1922. En
vers des titres, qu’il suffit d’énumérer pou en dégager aisément l’inspiration,
tels que : Pastorales (1903-1905), Olvidanzas (1906-1907)
[« Oubliances »], Baladas de primavera (1907), Elejías
(1907-1908), La soledad sonora (1908), Poemas májicos y dolientes (1909)
[Poèmes magiques et dolents »], Laberinto (1910-1911), Melancolía
(1910-1911), El corazón en la mano (1911-1912) [« Le cœur sur
la main »], Bonanza (1911-1912) [« Bonace »], La
frente pensativa (1911-1912) [Le front pensif »], Pureza
(1912), El silencio de oro (11911-1913), Idilios (1912-1913… En
vers et prose mêlés : Estio (1908-1911) [« L’été»] et Historias
(1909-1912).
C’est à
Madrid, où il réside à partir de 1911, qu’il rencontre Zenobia Camprubí Aymar,
en 1913. Amour réciproque et profond. Nombreux voyages en France, et aux
États-Unis, où ils se marient en 1916.
L’événement s’accompagne d’une découverte de la mer, qui sera décisive dans son
œuvre : le Diario de un poeta recién casado, « Journal d’un
poète jeune marié », est l’œuvre qui marque une évolution décisive vers
plus d’intellectualité dans le lyrisme. En 1918, il prend la tête des
mouvements de renouveau poétique, et il aura une influence importante sur la Generación
de 27… De 1921 à 1927, il publie en revues une grande partie de son travail en
prose, et de 1925 à 1935, il publie ses Cuadernos
[« Cahiers »], où sont regroupés la majeure partie de ses œuvres.
À partir de 1931, le drame envahit l’existence du couple : son épouse ressent
les premiers symptômes du cancer qui la conduira à la mort.
L’année 1936 marque également une étape déterminante : Jiménez se voit
contraint de quitter l’Espagne lors de la Guerre Civile. Séjour à Washington.
Ce départ marque le début de la troisième étape dans son œuvre. En 1946,
hospitalisation durant huit mois, pour une crise dépressive.
Fixation définitive à Puerto Rico, en 1950 : il y donne es cours à
l’Université.
Carrière couronnée en 1956 par le Nobel. Trois jours après l’annonce, son
épouse disparaît, et il ne se remettra jamais de cette perte ; le recteur
de l’Université de Puerto Rico ira recevoir le prix en son nom.
Juan Ramón Jiménez meurt deux ans plus tard, dans la même clinique où son
épouse avait achevé ses jours. Ses restes ont été transféré en Espagne.
Sa poésie
fait le lien entre les générations ; fils du siècle où il est né, Jiménez
a su se porter activement vers le modernisme et se joindre aux mouvements
d’avant-garde.
La connaissance de la vérité, par la poésie, mène à l’éternité. La beauté
relève de l’exactitude dans la description des choses humaines. Poésie à
tonalité panthéiste, exacte et précise.
Thèmes éternels de l’amour et de la réalité des choses, mais soumis à une
évolution qui va d’un certain maniérisme (sa façon d’écrire avec un j
devant i ou e au lieu de g, comme dans le « májicos »
d’un titre de la première période) à une forme d’aspiration à la transcendance.
Son signe
distinctif : un attachement particulier à sa ville natale de Moguer, comme
référence et source constante d’inspiration :
« Je te porterai Moguer en tous lieux et en tous temps, tu seras pour
moi, pauvre village mien, en dépit des usuriers, immortel. »
« Je t’ai dit, Platero, que l’âme de
Moguer était le vin, vrai ? Non, l’âme de Moguer, c’est le pain. Moguer est
semblable à un pain de froment, blanc en son centre comme la mie, et doré tout
autour – ô, soleil brun – comme la croûte molle. »
Le
personnage de Platero aura beaucoup fait pour sa gloire populaire, dans la
première période de sa production, dite « époque sensible ». Il
s’agit d’un bourricot, une sorte d’humble et merveilleux confident, dont il
fait un portrait attendri :
« Platero est tout petit, tout velu, tout doux ; tellement doux au
toucher, qu’on dirait qu’il est de coton tout entier, qu’il est dépourvu d’os.
Seulement les miroirs de jais de ses yeux sont durs comme deux scarabées de
cristal noir. »
Le petit âne a sa statue dans la maison de Moguer, devenue musée.
C’est dans Estio, publié en 1916, que Jiménez se dégage de l’atmosphère
d’évocations nostalgiques et de songes, pour se tourner vers la réalité. Le
voyage aux Etats-Unis est l’occasion de manifester cette tendance nouvelle en
lui : la mer y tient un rôle prépondérant – symbole de vie, mais aussi de
solitude, et de plaisir, d’éternel temps présent. Le Journal (plus tard
intitulé Diario de poeta y mar –afin d’y inclure le nom de son épouse)
sera suivi, dans la même veine, dite « intellectuelle » de recueils
portant des titres tels qu’Eternidades (1918), ou Piedra y cielo
(1919).
Sa poésie s’épure, se stylise : la contemplation prend toutes les formes,
poème très court, prose descriptive, hommage aux pairs (Dickinson, en
particulier). Dans Piedra y cielo, le thème central est celui de la
création poétique elle-même : poésie comme activité reine, poème comme
objet et poète en tant que créateur. Création très épurée.
La Estación total (1923-1936) [« L’entière saison »] reprend
tous les poèmes écrits en Espagne, avant l’exil.
La dernière période, dite « de vérité » verra Jiménez se tourner vers
une forme de mysticisme, vouant un culte personnel à un Dieu identifié à
la beauté. Sa langue se charge de néologismes. Après quelques années de
silence, il publie en 1949 Animal de fondo [« Animal des
profondeurs »], où il est en quête d’un Dieu « sans repos ni
langueur ». Ce recueil sera suivi de Dios deseado y deseante,
« Dieu désiré et désirant », où le poète s’identifie à ce dieu si
intensément recherché par lui, ce dieu de beauté pure, à la fois intérieur et
si extérieur.
Contribution d’Auxeméry
Bibliographie
Chez José Corti :
Espace, 1988
Pierre et ciel, 1990
Fleuves qui s'en vont, 1990
Eté, 1997
Eternités, 2000
Poésie en vers, 2002
chez d'autres éditeurs
Sonnets spirituels, Aubier, 1989
Platero et moi, Seghers, 1994
Journal d’un poète jeune marié, Libraire La Nerthe éditeur, 2008
sites
Plusieurs pages sur le site de l'éditeur José Corti :
Une bonne entrée
Wikipedia (en espagnol)
Une très large sélection de
poèmes en espagnol
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