Pour saluer
l'attribution, hier, du prix Yvan Goll à Yves Jouan pour Juste là
Juste là : polysémie de ce beau
titre que l'on peut rapprocher de cette mention, ailleurs dans le livre d'un
"irrévélé probable". Simplement là, mais aussi là à
l'endroit exact où…et juste, au plus serré, au plus près. "Puisque ici / est le seul espace /
d'exister". On songe aussi à ces vers de Henri Bauchau : "Il n'y a rien de nécessaire / Sauf
être là, à chaque instant, de plus en plus"1.
Ce qui implique une
notion de veille : "- il suffit n'est-ce pas, de regarder longtemps -", savoir attendre, en une longue
patience.
Juste là est un livre écrit sur le rebord du silence, silence où loge ce "là", silence où retourne le poète lorsqu'il
rencontre un "butoir". Une des séquences du recueil ne
s'intitule-t-elle pas précisément « Habitants du silence ». Livre sur
l'écriture comme détecteur d'une "permanence imprécise", qui est là comme seul antidote du rien. Une écriture qui se révèle petit à petit, comme la photo
dans le bain, qu'il est bon de parcourir et re-parcourir pour la laisser venir
à soi, écriture qui creuse son lit, qui épouse le mouvement de la marée. Mer et
rivières, cours et flux sont très présents de même que l'oiseau auquel le
poète, "momie de plumes", semble parfois s'identifier comme en une
phylogenèse inversée. Remontant du présent à "l'oiseau préhistorique"
: "Là / quand la clarté / noire ou diurne l'emporte / sur le dépôt // un
Narcisse prudent / parle pour troubler / la surface / des eaux
mémorielles".
Juste là, à l'interface entre le poète et le monde, au point focal du sens ? Là, où tout "se tient / en réserve". Juste là.
Yves Jouan, Juste là, Dumerchez, 2006
isbn 2-84791-055-7, 17 €
1 j'en dois la révélation à Denise Desautels, in Ce désir toujours, Leméac, 2005
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