Anthologie permanente : Cécile Clozel

Pour saluer la parution d’un étrange objet. Son éditrice me demande si je le trouve iconoclaste, poésioclaste, cartepostaloclaste….. non, rien de tout ça. Ce serait plutôt une sorte d’OPNI, objet poétique non identifié, mais qui suscite l’intérêt, avec quelque chose d’émoustillant ce qui est plutôt réussi si on sait que le grand thème de ce livre est le désir amoureux….

Alors de quoi s’agit-il : un cahier à spirales, composé de « poèmes à poster » en une vingtaine de cartes détachables, de toutes les couleurs, au format 12,5 x 20 cm. Une face pour le texte, souvent disposé comme un calligramme, une face pour écrire soi-même et adresser le tout au destinataire de son choix (pas garanti que la carte ne soit prélevée au passage, ces « désirs » ont quelque chose de très tentant !). Reste qu’il faut avoir envie ou le courage de dépecer le livre et de se séparer des poèmes……
De l’auteur Cécile Clozel, on a pu déjà lire un roman primé par le site zazieweb.fr dans son prix de la petite édition (Elle est debout sur mes paupières) et un autre livre de poèmes, Le Long du pré, où déjà la mise en pages en volume en espace du poème jouait un grand rôle. Tous deux édités chez K éditions, comme ce nouveau livre Aimons-nous bien tant qu’il est encore temps. Ce titre est celui du dernier poème qui vient donner une note sombre aux blasons, cabrioles, bulles et billets doux qui composent ce délicieux petit vademecum du bien aimer : « quand plus de peau ni de muqueuse sous le baiser »….


Blason des dire d’aimer

Fantasme

Le dire du fantasme lui
                 est fait de corde ou fait de peau
                 lui faut le timbre et le tempo

                 tendu sous l’archet, sous le doigt
                 sous la main, sous le sang qui bat
                 il vibre plein, ou sonne faux

                 dans la nuit, dans l’absence
                             il réveille des feux
                 dans le manque il glisse sa danse
                 jette des rites des peintures sacrées
                            des totems
                au milieu des je t’aime

il ne lâche jamais   dans le grand clair du jour
il s’obstine à poser son ombre

Cécile Clozel, Aimons-nous bien tant qu’il est encore temps, poèmes à poster, K Éditions, 2006.

Comments

[Rédigé par : Jean-Pierre Vallotton]

Oui, c'est une idée originale... mais pas nouvelle: en 1966, Marcel Béalu (à mes yeux, un des écrivains majeurs du XXe siècle) avait déjà publié "10 Poèmes pour cartes postales", à l'enseigne du Pont Traversé (sa librairie,caverne d'Ali Baba pour les amateurs de poésie, que tient toujours son épouse,62 rue de Vaugirard ), en un tirage de 200 exemplaires seulement.