"Peut-être que les réflexions très amères, quand elles
ont empli je ne sais quelle mesure inconcevable, à la fin renversent le cœur.
Peut-être que la durée mystique et double avait épuisé sa substance de mauvais
songes et qu'elle revenait de l'infini ; et peut-être que le temps approchait
en secret, à travers nos tristes pensées, de nous regarder au visage ? Déjà
nous faisions distraitement le rêve de nous sourire : Ah ! s'il était possible
! et nous formions le visage qui répondrait, et nous pressentions le seuil
délicieux des larmes naissantes. Il suffit alors aux vivants qui s'étaient cru
éternellement séparés d'une rencontre de leurs yeux pour qu'ils se trouvent
tout à coup dans l'âme l'un de l'autre. Ils reconnaissent qu'ils y sont des
dieux, maîtres de la vie et des vérités ; et ces dieux mutuels échangent des
regards, et ils s'accordent dans l'instant sur la nécessité de leurs existences
!
(Ce que je suis véritablement en toi/vous/tout à coup me regarde par tes yeux).
(La voix de l'un parle dans l'autre, et l'autre ne la peut empêcher de se faire
entendre)".
Paul Valéry, Alphabet, Le Livre de Poche, p. 93.
Paul Valéry dans Poezibao :
Bio-bibliographie,
extrait
1
Commentaires