le cipM de Marseille m'apprend le décès de Jean Todrani, mort dans la nuit du 14 juillet. Je reproduis ici la belle note que lui consacre Christian Tarting dans la lettre d'information du cipM. Je publierai ensuite la fiche bio-bibliographique du poète et un de ses textes, dans l'anthologie permanente de Poezibao :
"Poète, traducteur (de l'italien, du portugais), critique
littéraire particulièrement attaché à l'“ extrême contemporain ” et animateur
de revues, Jean Todrani nous a quittés dans la nuit du vendredi 14
juillet.
Né à Marseille le 19 septembre 1922, Jean Todrani a commencé de publier des
poèmes en 1948 : dans Les Cahiers du Sud, auxquels il va collaborer jusqu'au
dernier numéro (automne 1966), dans les Cahiers GLM dirigés par Guy Lévis Mano,
qui devient son premier éditeur en 1952 et fera paraître cinq de ses recueils -
ensemble au sein desquels on voudrait tout particulièrement retenir le dernier,
Le Livre des visites (1961). Tout en s'affirmant - et bien qu'il n'ait jamais
fait partie de leur comité de rédaction - comme l'un des principaux
contributeurs des Cahiers, Jean Todrani rejoint vite l'autre revue d'importance
née à Marseille au siècle dernier : Action poétique, cofondée en 1950 par Jean
Malrieu et par son ami Gérald Neveu. Il y reste longtemps fidèle, publie un
livre dans la collection attenante, “ Alluvions ” (14 poèmes en un acte, 1962),
appartient à son comité de rédaction durant quelques années. Mais, dans
l'espace des revues de création poétique et de réflexion sur la poésie, son
apport essentiel est sans conteste la création, en 1967, de Manteia, dont il
assure la direction jusqu'en 1974. Proche de Tel Quel sans en être pour autant
une déclinaison, l'aventure de Manteia (qui a rassemblé, autour de son
initiateur, les poètes Gérard Arseguel, Joseph Guglielmi, Jean-Jacques Viton…)
voit l'écriture de Jean Todrani s'infléchir - tout comme celle de ses amis -
vers un certain textualisme dont témoigne, par exemple, Studio (François-Pierre
Lobies, 1982). Celui-ci n'a toutefois jamais oblitéré, chez lui, une attention
profonde au vers, un souci constant, méticuleux et inventif, de la prosodie
dont on peut mesurer les grandes réussites dans des livres comme Ou bien ou,
plus encore, L'Inachevé (Comp'Act, 1989, 1995). Et n'a pas fait taire une
sensualité présente dès les premiers textes ; concise, refusant l'épanchement
mais tenant comme peu le poème pour le lieu d'une tension sexuelle
fondamentale, instauratrice.
Œuvre abondante (vingt-quatre livres publiés) mais toujours un peu secrète que
celle de Jean Todrani, fidèlement soutenue depuis vingt ans par Alin Anseeuw
(Ecbolade) puis Henri Poncet (Comp'Act), depuis 1989 son principal éditeur et
qui a proposé à l'automne 2005, en ouverture du n° 36-38 de la revue qu'il
dirige, La Polygraphe, un vaste ensemble critique sur l'un des poètes clés de
son catalogue : le premier à être consacré à celui dont Jacques Dupin a salué,
à propos de son dernier ouvrage publié, Exploits (2003), la justesse de ton, la
ténacité d'écrire, la force émotive.
Christian
Tarting
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