Si j’écris que de cette revue monte un parfum suranné,
surtout n’y pas voir une critique puisqu’il semble bien que ce soit très
exactement le but poursuivi par son initiatrice, Esther Flon. Dont la vocation
première est celle d’éditrice, au sein de la maison d’édition Le Frisson
esthétique qui a pour but d’ « éditer des livres rares
du répertoire classique et contemporain, dans la recherche d’une autre
tonalité, pour retrouver le beau lire des volumes précieux illustrés de
vignettes, empreints de la nostalgie des années enchantées… » ; parmi
lesquels une série consacrée à La France
de Jules Verne (en onze volumes) et Sixtine
une œuvre de Remy de Gourmont.
J’ai prononcé là sans doute le nom clé
de l’aventure parce que c’est un auteur qui compte beaucoup pour Esther Flon et
qui est très présent dans le premier numéro de la revue qu’elle vient de créer
et qui s’appelle tout naturellement Le
Frisson esthétique. Or l’on apprend que l’expression est… de Remy de
Gourmont, comme l’explique fort bien une belle étude d’Alexia Kalantzis incluse
dans ce numéro : « qu’est-ce donc que ce frisson, entre joie et inquiétude
[…]. Est-ce une métaphore du plaisir esthétique ou une véritable réaction
physique ? » et on découvre rapidement une composante inattendue de
ce frisson, celle du sentiment de
peur que peut provoquer une œuvre d’art et sur lequel insiste Gourmont.
Bâtir un projet de revue sur ce fil-là,
dans l’esprit « des bonnes petites revues du XIXe siècle »
voilà le projet d’Esther Flon qui ici régale, au sens propre et figuré,
esthétique et physique, le lecteur : une série de nouvelles écrites
aujourd’hui mais dans l’esprit fin de siècle caractéristique de Gourmont, ou écrites
jadis dans cette fin de siècle (étonnante « Réclamation posthume » de
Jean Lorrain, conte d’un buveur d’éther, daté de 1895). Mais aussi dessins,
comme ces Eaux-Fortes de Yves Guezet
ou les bois gravés de Marc Ollivier qui accompagnent de beaux poèmes à la Hague
composés par Florence Burnouf (on espère que cet ensemble fera l’objet d’un livre).
Courts essais comme celui déjà évoqué sur la notion de Frisson esthétique chez
Gourmont ou comme une étude très intéressante sur le Jammisme (Francis Jammes)
signé Francesco Viriat. A retenir aussi l’article de tête dont le principe
consiste à demander à une personnalité d’évoquer son premier Frisson esthétique.
La parole est ici à Régine Deforges !
Et comme la maison d’édition et la revue
sont normands, il y a bien sûr quelques gourmandises, la recette du café au
lait de Chéri, une évocation de la Sauce
ou des fromages normands ou encore des Navets de Parves. On peut aussi compter
au rang des gourmandises une lettre d’amour et un extrait de Sixtine, tous deux signés Remy de
Gourmont et le début d’un feuilleton (quelle bonne idée de ressusciter l’esprit
du feuilleton !) de Daniel Lesueur. Bref de quoi susciter quelques
frissons esthétiques. D’autant que la mise en page est très soignée avec un
très beau travail sur la typographie et l’illustration (il faudrait donner la
source de ces images).
Le Frisson
Esthétique
74 route de Coutances
50180 Agneaux
Abonnement, un an, quatre numéros, 21,35
€
courriel : [email protected].
site : www.frissonesthetique.com
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