Le mince croissant
de lune orange, au-dessus des frondaisons noires, ce n'est pas en le regardant
qu'on le voit. Il faut d'abord fermer les yeux, le rendre à son espace
solitaire et magique, où il se lève, avant et hors même tout regard.
Il y a la beauté du monde. Mais, derrière elle, il y a le monde sans sa beauté,
le monde hors l'apparence. Qu'est-ce que la mer sans ce qui la fait telle ou
telle : calme ou démente, grise ou brillante-bleue et lisse comme une soie ?
Un nuage passe et la mer change de visage. Où est « la » mer ?
Nombres d'étoiles que tu regardes ne sont plus là où tu les vois. Celles qui
sont là ne se verront qu'infiniment plus tard, par d'autres qui ne verront pas
ce qu'ils voient. Que voit-on ?
Roger Munier, le Visiteur qui jamais ne vient, Editions Lettres vives
1983, p. 13
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