
Je remercie Anne Talvaz qui me propose ces traductions
inédites de la poète argentine Beatriz Vignoli
MENAGERIE
Tigre, tigre
William
Blake
Scolopendre, scolopendre
Aimé
Césaire
Iguane, iguane
Arnaldo
Calveyra
Pourquoi, confrères,
m’offensez-vous ?
Voyez : le tigre de Blake
ne va pas détruire le cygne de Dario,
lequel événement
le chat de Baudelaire s’en ficherait
comme d’une guigne.
Pas même les scolopendres de Césaire
ne le tireraient de son ennui.
Et il se pourrait bien que le tigre de Blake
fasse un procès à l’iguane de Calveyra
pour avoir propagé ses échos ; néanmoins
ils coexistent.
Et le chat, le beau chat
se serait battu dans le Cheshire, investissant
les feintes diaboliques
d’un sourire plus qu’invraisemblable
et pourtant il est resté chez lui
à Paris
au lieu de polémiquer avec le singe de Darwin
sur la contradiction entre progrès
et décadence : silence – ça oui –
lamentable.
Beatriz Vignoli, traduction inédite Anne Talvaz
Ce
texte en langue originale
Poète, critique d’art et traductrice, Beatriz Vignoli est née en 1965, à
Rosario, en Argentine. Elle a publié Almagro, 2000, Viernes, 2001, Reality,
2004 et Itaca, 2004.
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dans la suite de note, deux autres poèmes de Beatriz Vignoli :
AKSHAB
Nous arrivons à Los Angeles par le désert
5760 miles sous un ciel sans eau
fuyant le Colorado
sans dormir depuis Our
sans penser que les étoiles qui y brillent avec tant de précision
pourraient être mortes.
Et rien, juste Supertramp à la radio
et l’obscurité alentour
d’où ont surgi tant de kilomètres-lumière qui paraissaient habitables
et disparaissaient dans le temps.
- Tu aurais vu – disais-tu – la tête qu’il a fait quand il est revenu de la
montagne
une escopette à la main, un lièvre par les oreilles
dans l’autre.
« D’abord cette histoire de soupe aux lentilles et maintenant
ceci ! »
criait le Colorado, et Rivka, notre mère, pleurait en regardant le ciel.
Il était naturel que nous ne préférions pas parler de l’affaire :
« ... ce rouge, ce rouge..., »
l’histoire de ta famille saigne où que tu la touches.
« Canaan 12 km », avons-nous vu sur un panneau vert
que les phares de la voiture éclairèrent un instant d’une lumière fantomatique.
- Le logo de Goodyear – disais-tu – la sandale ailée,
ce ne serait pas une représentation idéographique de mon nom ?
- Jack, ça veut dire Hermès, Mercure...
- Je serai généticien, bigame et je laisserai le souvenir de l’étape Trickster
du héros
dans la mythologie juive – dis-tu comme en rêve.
Vraiment, il était terrible ce lieu.
Des lumières rouges et bleues commencèrent à se rapprocher
alors que nous doublions, nous internant dans la campagne, parmi les grillons.
Beatriz Vignoli, traduction inédite Anne Talvaz
Ce
texte en langue originale
PLAZA CANADA
à Mirta Rosenberg
Âme belle, ville
insoutenable,
ville infinie
le silence au fond de tes bruits
obscurcit l’éclat
futur de ton jour ; tu fais payer cher
ton Tibet chaotique, Buenos Aires,
l’oubli sur la montagne véloce
de ta paix qui se
dérencontre elle-même, diastole-systole,
ponctuation, rafales
de phrases sous le ciel
- toit du monde - , le plaisir
d’être vivante comme s’il
ne restait plus rien de moi.
Beatriz Vignoli, traduction inédite Anne Talvaz
Ce texte en langue originale
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