
Pour célébrer la sortie chez l’éditeur Galilée, d’un nouveau
livre d’Hélène Cixous, Hyperrêves. La place d’Hélène Cixous dans l’anthologie
permanente pourra surprendre puisqu’elle n’est en général par identifiée comme
poète mais je considère son œuvre (comme celle d’un Le Clézio ou d’un Pascal
Quignard) comme totalement liée à la poésie et comme une nourriture pour les
poètes. Je publie donc trois extraits du livre, dont le second est lié à l’anniversaire
du 11 septembre 2001.
FT
Il faut du temps pour que l’on en vienne à lire. On peut passer mille fois
devant les signes sans voir qu’il y a livre.
(26)
Chaque fois que je vais à Montaigne* depuis le massacre de nos Twins, avec nos totems toutaimés debout
frêles noircis cierges funèbres plantés dans la synagogue de ma poitrine, je
chemine impurement, le cœur effrayé, toutes superstitions enrôlées et enjôlées,
moi-même geôle et engeôlée, je vais blessée, mordue, méfiante prête au pire au
lieu de courir sans toucher terre vers l’adorable très aimée Tour originaire […]Tant
que nos deux tours étaient vivantes il me semble que j’ignore à quel point de
dague je l’aime. Depuis leur mort, toutes les souffrances, tous les jeux de
peur –dont je vois maintenant que nous les avions depuis toujours logés à New
York, tout notre trésor empoisonné confié aux Twins, comptant bien sur le géant appareil des passions
américaines, en somme toute la partie inquiète et maléfique – de nos vies, nos
croyances primitives nos frissons, les fantasmes funestes inspirés des
tragédies grecques et bibliques, toute cette archiverie à faire peur que nous
avions intuitivement conservée dans nos tours à Manhattan, donc inconsciemment
utilisées comme les colossales enveloppes de tout »es les idées de
catastrophe, cercueils costumés en temples de nos pulsions de mort - […]
(31)
Avoir peur est la condition des connaissances aimantes. Si je ne crevais pas de
peur, je ne me saurais pas exister, je ne recevrais pas les avis d’existence,
je n’enregistrerais pas avec ravissement le passage minuscule d’une mésange à l’aile
peinte en or à ma droite en pleines ténèbres. Si je ne mourais pas de chagrin
je n’assisterai pas avec nostalgie à la création du monde les noces des
écureuils ce matin je m’en ficherais. Les créatures naissent sur le fond de l’adieu
(34)
Hélène Cixous, Hyperrêves, Galilée,
2006 Hélène Cixous dans Poezibao :
*note de Poezibao : ici HC fait
un parallèle entre la tour du château de Montaigne et les tours jumelles de New
York.
Bio-bibliographie
d'Hélène Cixous, livre
de Mireille Calle-Gruber
toutes les illustrations de Poezibao peuvent être agrandies par simple clic sur l’image
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Rédigé par : sanja | mardi 19 septembre 2006 à 14h08