Comment
écrivez-vous vos poèmes ? D’où viennent vos mots ? En notez-vous une
liste, que vous laissez dans un coin et reprenez ensuite, lors de l’écriture
d’un poème ?
Vous aussi vous posez :
un vers arrive subitement d’on ne sait où, tronqué et coupé à sa fin et qui
clôt ainsi bien souvent le poème. Ça y
est : tout est, fini. Tout est, dit. Rien d’autre, n’est à ajouter.
Est-ce un beau matin, que le poème vous vient ?
Et pourquoi toujours, ou très souvent, régulièrement, tous ces mots qui
proviennent en fait d’un seul et même univers un peu dur ? Il y en a trop
pour que ce ne soit qu’un hasard. D’où vous vient ce lexique ? Est-il
amené à chaque fois par le poème présent, qui est en train de naître sous vos
yeux, ou est-ce un lexique personnel, qui vous sied, qui vous vient du tréfonds
de votre être, qui vous met en vi
bration, comme en émoi intemporel ? Est-ce que c’est une rencontre, entre
votre corps pensant et les mots qui viennent, sous la main du moment et de la
page, ou un lexique qui se dévide à chaque fois même, pour dire toujours et
toujours une chose identique, un même fiel et pourtant à chaque fois un peu
différent ?
Et la musique ? Et la musique des mots ? Car vos mots coulent
toujours comme l’eau claire, limpides, parfois durs, jouant allègrement du choc
et de la surprise mais cependant toujours limpides. Et dans une suite logique
portez-vous, Benoît Gréan, une attention particulière au lecteur de la musique
de vos mots ? Cela a-t-il une influence et cela, la musique des mots,
détermine-t-il le choix sémantique final, a-t-il un impact sur — votre
écriture ?
Dites-moi dévoilez-moi Benoît Gréan dîtes-moi tout ce qui me ressemble si cela
me ressemble tant et qui m’a tellement troublé lorsque je vous ai lu pour la
première fois dans Po&sie
dîtes-moi si je me trompe quand vous lisant je pense tellement à mes regards hallucinés…
Benoît Gréan : Je n'ai pas de méthode, une discipline seulement. Oui, je
suis du matin, de l'aube précisément. C'est là, dans la fraîcheur du réveil,
que les mots s'imposent, se mettent en place. Pas de liste, pas de réserve.
Tout se fait de tête, puis s'écrit au fur et à mesure, les retouches sont
rares. Chaque texte est d'un matin, les suites se forment au fil des jours, des
mois...
C'est bien sûr la deuxième option qui à chaque fois convient : « un
lexique personnel, qui vous sied, qui vous vient du tréfonds de votre être, qui
vous met en vibration, comme en émoi intemporel... un lexique qui se dévide à
chaque fois même, pour dire toujours et toujours une chose identique, un même
fiel et pourtant à chaque fois un peu différent ». Vous avez bien perçu le
caractère "obsessionnel" de l'écriture et vous le dites en termes
justes et précis. Ce à quoi il faudrait ajouter la quête d'une expression
neutre et universelle (l'obsession de l'infinitif, ces cinq dernières années).
Oui, bien sûr, le rythme même autant que les sonorités, d'autres l'ont dit, le
fond ne serait qu'un accident de la forme... quête, pour ma part, de la plus
juste union des deux. Une lecture à haute voix doit être intéressante même pour
qui ne comprend pas la langue, j'en ai fait récemment l'expérience, comme
auditeur, à l'(Open) Air reading de
Berlin, fin mai, des milliers de personnes l'oreille tendue, souffle coupé,
vers des langues inconnues mais si parlantes !
Vous serez un lecteur inspiré ! La publication suscite des rapprochements,
suggère des familles... à chacun d'y trouver sa place, jouer son rôle. Mon
premier livre aux éditions Atelier de l'Agneau, qui dans sa première moitié
reprend des textes parus dans le n°92 de la revue Po&sie, m'a valu quelques réactions sympathiques, dont la vôtre
et celle d'un poète émergent des plus prometteurs, François Richard. Je m'en
réjouis, j'en suis flatté. Votre intérêt attire le mien sur ce que vous faites.
Lisons-nous, relisons-nous !
Benoît Gréan a publié Mai
et Monstres
tièdes aux éditions Atelier de l’Agneau et avec l'artiste Luisa Gardini, WPMT15 aux éditions Cythère Critique. D'autres textes sont parus dans les revues en Italie, Grèce, Suisse, Allemagne et bien sûr en France (Po&sie et Moriturus).
Alain Marc dans Poezibao :
Note
bio-bibliographique, rencontre
avec Alain Marc (05), extrait
1, extrait 2 fiche
de lecture de Écrire le cri, Regards hallucinés et La poitrine étranglée Les
« lectures » d’Alain Marc, index
des lectures de Bernard Noël, Introduction aux "lectures", extrait 3, extrait 4, rencontre II avec Alain Marc (06),
voir aussi les Cartes blanches
Si
je transforme quelque peu le début de cet article intitulé « la Littérature
algérienne face à la langue : le théâtre de Kateb Yacine1 »
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