C’est bien à Une
Clarté sans repos que le poète espagnol Antonio Gamoneda expose son
lecteur, de façon crue, presque violente. Sa parole donne le sentiment d’une
brûlure sans échappatoire possible. Torturante : « j’ai trouvé du
mercure dans les pupilles ».
Ce n’est pas un hasard puisque Antonio Gamoneda qui est né en
Certains ont avancé l’idée d’un certain surréalisme, ce que A. Gamoneda réfute bien dans le texte théorique « La poésie dans la perspective de la mort » qui suit dans le livre d’Arfuyen la séquence poétique en quatre temps de Clarté sans repos. Il s’agirait plutôt d’une forme d’expressionnisme, forgeant des images dures, coupantes : « caillots d’ombre », « peine artérielle », « incendie de cloches » et ce terrible « il y eut extraction d’homme » que le lecteur sera tenté d’appliquer à tant de situations contemporaines.
Le destin individuel, -vieillissement, mort- et le destin collectif,
-haine, disparitions (les « mères » tournent dans ces pages), torture-
se renvoient la balle des mots, ne laissant aucun répit au lecteur. Et si la
lumière est évoquée, ce n’est ni pour sa douceur ni pour sa beauté. Les thèmes
croisés de la lumière et de l’ombre renvoient à un univers « jaune »,
ou blafard : « mortelles sont les moelles / enfouies dans la
lumière ».
Ces textes ont un caractère intemporel, plus même quasi
oraculaire. Jusque dans leur formulation, leur scansion et leurs images qui ont la violence de
certaines oeuvres picturales (Le Picasso de Guernica, Goya, Jérôme Bosch).
Antonio Gamoneda, considéré comme l’un des plus grands
écrivains espagnols vivants a été désigné comme Lauréat du Premier Prix Européen
de Littérature 2006.
Je voudrais terminer cette note par une citation de Gamoneda
(j’ai également attiré l’attention sur le
texte important qu’il a publié dans le dernier numéro de la revue Europe) :
« les significations poétiques sont sensibles plutôt qu’intelligibles :
les significations s’éprouvent ;
la syntaxe poétique est une syntaxe pour la sensibilité ».
On l’aura
peut-être compris en parcourant cette note de lecture, Antonio Gamoneda excelle
à faire éprouver les significations. Il
faut saluer aussi la belle traduction de Jacques Ancet et tout l’appareil qui
entoure le texte, préface éclairante, biographie détaillée, bibliographie.
Clarté sans repos
est un livre impressionnant « una flor negra y húmeda de llanto », « une
fleur noire et humide de pleurs ».
©florence trocmé
Antonio Gamoneda dans Poezibao
note
bio-bibliographique, extrait
1, Prix
européen de Littérature 2006, un
texte dans la revue Europe
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