C’est un numéro particulièrement dense du Nouveau Recueil,
la revue trimestrielle dirigée par Jean-Michel Maulpoix qui vient de paraître.
Ouverture avec le cahier de création où l’on entend des voix très différentes,
depuis les lignes poétiques de Luce Guilbaud, les proses de Didier Béraud ou de
Christian Fumeron jusqu’à un texte très impressionnant de Marie Cosnay. Il
permet aussi de découvrir la poésie de Livane Pinet, Partition et variantes, dont le titre dit bien le travail sur le
son des mots, un texte haletant, maîtrisé, tendu (à lire aussi à haute voix) « chose à cueillir à accueillir / pour tromper le bé-gai-e-ment du temps ».
Le cœur de ce numéro 80 est constitué par un ensemble de réponses
à la question : « comme poète ou comme prosateur, la préoccupation de
la beauté existe-t-elle ou a-t-elle un sens ? ». Question que l’on
imaginait encore impossible à poser il y a peu et qui suscite des
réactions-réponses passionnantes, au premier rang desquelles une superbe
réflexion de Claude Louis-Combet. Où il révèle le sens presque initiatique,
voire magique qu’eut pour lui l’assertion de Keats qu’une chose de beauté est joie à jamais, ajoutant que « quand
les tentations de la désespérance tournaient à l’obsession, la pensée de la
beauté surgissait, non comme une citation empruntée à un livre, mais comme
émanée du fond nocturne et déchiré qui est le fond et la pierre de touche de
mon être et je me disais : attends, il y a trop de beauté pour mourir ».
Autre réflexion particulièrement riche, celle de Pierre Jourde : « la beauté fait de la place : le
monde, nous mêmes, nos préoccupations, nos soucis, l’ordre des choses, tout
cela s’estompe, s’éloigne, se déforme, se creuse sous l’effet de ce vide qui
vient de s’ouvrir devant nous ». Il faut noter aussi « Souci de la
beauté ? », une magnifique méditation d’Antoine Émaz : « dans
mon travail, je ne mets pas la beauté au centre ; elle n’est qu’un effet
secondaire d’un souci plus profond que faute de mieux, j’appellerai l’exactitude ».
Impossible de citer toutes les contributions (parmi lesquelles celles d’Olivier
Rolin ou de Christiane Veschambre) mais on sent une vraie adhésion à la
question et presqu’un soulagement qu’on puisse à nouveau la poser.
Les richesses de ce numéro ne sont pas encore épuisées
puisqu’on peut aussi y lire un entretien d’Alain Duault avec Jacques Réda et
une recension très fouillée du Carnet de
notes de Pierre Bergounioux par Jean-Paul Goux.
Un tout petit regret, que le Nouveau Recueil ne donne pas
pour ses auteurs une toute petite indication bio-bibliographique (année de
naissance et deux derniers livres parus par exemple).
revue trimestrielle de littérature et de critique
Champ Vallon
isbn
2-87673-448-6
issn 1265 9975
14 €
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