Avec mes remerciements à Tristan Hordé pour
cette proposition
À côté des iris sans fleurs
4
Je voudrais que tes
joues
Brillent comme au loin, dans le souvenir que j’en ai,
La tuile un peu vieille d’une ou deux maisons seules
Au fond du mot Poitou,
Ou pareil que dans soudain la campagne américaine
Un grand manège où tu t’en vas, charpente en bois peinte roller-
Coaster sa construction savante et fine à travers les arbres...
On entend des cris, on entend
Le silence aussi.
Pendant toute une journée que le beau temps
A été là, quelle impatience quel genou tendre
Sur la pelouse qui dégèle !
Que faut-il oublier pour mieux t’aimer ?
(Pour qu’un poème soit un bas de robe légère
À ta jambe.)
Des petites filles qui t’ont connue sans doute
Ont dit le mot bonjour, de loin
Et comme en riant dans ce paysage où tu pourrais courir.
Un jour le monde avait ton sourire
En octobre en automne quel plaisir d’oublier
D’aimer le temps dans les saisons, le monde
Avait tes joues dans sa couleur,
Ta jambe griffée dans un buisson donne-
Moi la main, donne.
Mais tout s’incline comment dans ce poème,
Où va la jambe du temps ?
Et qu’est-ce qui saigne ?
[...]
James Sacré, Une petite fille silencieuse,
André Dimanche, 2001, p. 39-41.
On sait que c’est la cuisine à cause des légumes et des fruits qui sont
dans un carton ça fait un coin de couleurs comme quelqu’un qui montrerait d’un
coup son cœur et son désir avec beaucoup de simplicité violente. Des piments
rouges, des oranges. Le mot vivre dans la grisaille et le silence de cette
maison pauvre, le silence. Un coin de cuisine, aussi bien l’endroit du marché
dans l’ensemble en pisé couleur d’ocre et de pierre blanchie de la ville. Ou
comme dans le haut d’un champ que les gens y travaillent longtemps : mon
enfance y ramasse n’importe quelle récolte elle s’accumule en couleur vive tout
à l’heure on chargera tout dans la charrette le reste du champ sera plus qu’une
surface de terre ou de chaume on le voit mal de plus en plus petit dans le
monde autrefois demain je suis content d’avoir tout d’un coup ce carton de
légumes comme un sourire en désordre. Comme si j’aimais quelqu’un quand je
regarde longtemps la couleur d’une orange, le sol défait, le mur longtemps.
James Sacré, Une fin d’après-midi à
Marrakech, André Dimanche, 1988, p. 193.
Oiseaux qui sont dans l’herbe en automne
Une caille est un
geste
lancé dans le bleu un carré
de petit lotier (dessin
d’un village hangar et des tuiles
entre deux branches) geste lancé
par-dessus le buisson derrière
caillou tombé de la grande herbe
une ombre où dans le silence
bat son cœur d’ombre où ?
La perdrix elle pourrait être un bruit
dans ce poème (silence un automne et la
couleur des regains) si les mots...
rien
qu’un motif
au bord de l’imagination : tache automne
orangé en (silence) d’un coq de roche — Brésil
ou braise en mon trou natal ; perdrix
rouge dans un regain (pas d’Amazonie) parlé
de plus en plus gris.
Une caille est tellement loin mais
presque sous mon pied (luzerne
en septembre le temps doré des
petits cailloux blancs) autrefois aujourd’hui
quelle trace : un poème aussi soudain (blanc
de la page rempli derrière la vitre un autre
espace en automne un arbre et des
petits mots noirs) aujourd’hui demain
quelle trace. Le mot caille est tellement
Loin. Poème comme un fusil.
[...]
James Sacré, Paysage au fusil (cœur) une
fontaine, repris dans Les Mots
longtemps, Qu’est-ce que le poème attend ?, Tarabuste, 2003, p. 81-82.
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