Un extrait de ce poème était inclus dans la présentation
du nouveau livre (en anglais) de Marilyn Hacker, Essays on Departure, par Mary Baine Campbell à la
librairie Village Voice le 9 novembre, présentation suivie d’une lecture par Marilyn
Hacker (lire le compte rendu de cette lecture).
J’ai eu donc envie d’en donner l’intégralité.
Rune de la Finlandaise
à Sara Karig
“Ta sagesse est si grande, disait le renne, tu sais
tresser les vents du monde en unique torsade”
H.C. Andersen, la Reine des Neiges
Elle savait tresser les vents du monde en unique torsade.
Elle savait trouver les paroles du monde sur la musique d’un vent.
Elle savait prêter un étrange vouloir à une main tavelée.
Elle savait dévider un mot voulu de l’écheveau d’une pensée.
Elle pouvait courir les vierges futaies en selle sur une biche.
Elle pouvait sonder la source d’une baguette de sorbier.
Elle pouvait bander la blessure du loup de linges assujettis.
Elle pouvait relier les livres interdits d’une peau de satin.
Elle pouvait vivre une guerre mondiale en territoire envahi.
Elle savait piler des racine sèches pour en fabriquer du pain.
Elle savait se débrouiller pour nourrir les forçats des chemins.
Elle pouvait reconstituer les cadavres démembrés.
Elle savait retrouver les membres de pierre dans un désert de sable.
Elle pouvait supporter le froid de la fosse avec un poumon atrophié.
Elle savait faire de mauvais calambours dans l’argot qu’elle apprit.
Elle pouvait dorloter l’enfant trouvé dans sa langue maternelle.
Elle pouvait natter une chevelure d’enfant d’un peigne d’arête.
Elle pouvait entretenir un feu de charbon dans les bises arctiques.
Elle savait réparer un moteur avec une aiguille à coudre.
Elle savait réchauffer les pieds noircis d’un mourant.
Elle savait boire la soupe de pierre d’un puits douteux.
Elle pouvait respirer la puanteur
verte des feuillées.
Elle pouvoir boire une royale rasade d’un vin d’importance
Elle savait concevoir quelques choses qu’elle ne dirait jamais.
Elle savait avec les mains comme les sourds-muets.
Elle savait gagner les clefs de fer de la reine gelée.
Elle pouvait s’égailler à flanc de colline avec une amie ivre.
Elle pouvait tresser les vents du monde en unique torsade.
Marilyn Hacker, Fleuves et Retours,
traduit de l’américain par Jean Migrenne, préface de Marie-Christine
Lemardeley-Cunci, édition bilingue, Amiot. Lenganey, 1993, p. 82 à 85
« Rune de la finlandaise » est tiré du recueil Assumptions, Alfred A. Knopf &
voir la version originale dans la seconde partie de cette note.
Ecouter et voir Marilyn Hacker lire ce poème (en anglais)
Marilyn Hacker dans Poezibao :
Bio-bibliographie en forme de portrait
aux 20 ans du Nouveau Recueil,
une rencontre avec Marilyn Hacker,
extrait 1, Élégie,
extrait (à Janis Joplin)
extrait 2, Comment c’est, dans cette chair provisoire,
extrait 3, Le chagrin je veux aller le chercher en toi
une traduction de Follain, (La paix, un voyou appelé Trompe-la-mort)
extrait 4, Sur mon corps se superpose la carte (extrait de « Journal d’Août »)
extrait 5, Annonciation, 8
h du matin, mon boulot a moi est le carnet monacal
article ghazal,
une intervention sur la sextine,
rencontre avec Claire Malroux sur la traduction
réciproque,
extrait 6, Nul corps ne cesse de rêver d’avoir vint-cinq ans, extrait de « Hiver de cancer »)
extrait 7, …la pensée jaillit, simplicité de jacinthe
extrait 8, Pluie de janvier Son bruit / de percussion sur les carreaux
extrait 9, à Anna Akhmatova, extrait, elle s’était laissé séduire par une langue
un article inédit sur Adrienne Rich,
extrait 10 (à Geneviève Pastre), Le fleuve encore
une lecture chez Village Voice pour la sortie de Essays on Departure
index
de Poezibao
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Co., N.Y., 1985
THE RUNE OF THE FINLAND WOMAN
She could bind the world's winds in a single
strand.
She could find the world's words in a singing wind.
She could lend a weird will to a mottled hand.
She could wind a willed word from a muddled mind
She could wend the wild woods on a saddled hind.
She could sound a wellspring with a rowan wand.
She could bind the wolf's wounds in a swaddling band.
She could bind a banned book in a silken skin.
She could spend a world war on invaded land.
She could pound the dry roots to a kind of bread.
She could feed a road gang on invented food.
She could find the spare parts of the severed dead.
She could find the stone limbs in a waste of
sand.
She could stand the pit cold with a withered lung.
She could handle bad puns in the slang she learned.
She could dandle foundlings in their mother tongue.
She could plait a child's hair with a fishbone
comb.
She could tend a coal fire in the Arctic wind.
She could mend an engine with a sewing pin.
She could warm the dark feet of a dying man.
She could drink the stone soup from a doubtful
well.
She could breathe the green stink of a trench latrine.
She could drink a queen's share of important wine.
She could think a few things she would never tell.
She could learn the hand code of the deaf and
blind.
She could earn the iron keys of the frozen queen.
She could wander uphill with a drunken friend.
She could bind the world's winds in a single strand.
Je recommande la présentation de ce poème, dans un magnifique ensemble consacré à la réception de l’œuvre d’Emily Dinckinson et où Marilyn Hacker a fait une intervention(en anglais)
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