Je donne ici un extrait d’un texte qu’elle a fait paraître dans le
dernier numéro de la très belle revue annuelle de la Maison de la poésie de
Nantes, Gare Maritime
>
Le matin est un accident – ma chère sœur
La nuit un évènement
Emily Dickinson
[…]
Hier j’ai corrigé les épreuves de « marquise
vos beaux yeux »
Hier j’ai brusquement compris que
tous les sujets sont des objets à tenir, regarder, traiter.
Hier j’ai relu deux lettres de
Benjamin à Gerhard Scholem. Il s’y interroge sur la façon dont l’auteur du
Zohar conçoit les articulations phonétiques et les signes graphiques comme
dépôts de rapports cosmiques. Il dit plus loin « Souvent je rêve de livres
éclatés ».
Hier je me suis cassée une dent.
Hier j’ai marché dans Paris avec
Henri. Nous avons mangé des huitres.
Hier j’ai lu avec Thierry le texte
commandé par Hubert Colas sur le film Sofia. C’était au théâtre Montivedeo.
Hier j’ai pleuré au milieu de la
nuit. J’avais mal aux dents je me disais que c’est ça qui me faisait pleurer
mais je savais bien au fond de moi que ce n’était pas vrai.
[…]
Hier j’ai vérifié la domestication
de l’artiste par la logique du réseau de cooptation.
Hier j’ai pensé à Queneau bourreau
de Bessette. Cette manière qu’il avait de tenir quelqu’un en le lâchant. Elle l’écrit :
« Une sorte de tendresse lie les bourreaux. A leur victime ». La place
du point renforce grammaticalement la violence du lien.
Hier j’ai appris l’expression
italienne « coudre dans du beurre ». Je me suis dit que c’est ce que je
faisais quand j’écris.
Hier j’ai entendu parler d’un « tout
à l’anglais » comme d’un tout à l’égoût.
Hier j’ai vérifié qu’un calque n’est
pas une copie.
Hier je me suis efforcée de
réfléchir à l’expression « ouvrir son cœur » durant au moins cinq
minutes (montre en main).
Écrire ne collabore pas. Hier j’ai
essayé de réfléchir à ça.
Hier je me suis bricolé un grattoir
que j’ai rangé avec les gommes. J’appelle l’ensemble « soustraction
additive ». Je gomme et je gratte. Le dessin c’est ce qui reste.
[…]
Hier Walser mon bien-aimé. Lui encore
lui. Je ne lis que lui. C’est pour son portrait
[…]
Liliane Giraudon, in
la revue Gare Maritime 2006 qui donne aussi un court entretien avec Henri
Deluy, p. 34 et 35
Note
bio-bibliographique,
extrait
1,
lien
vers Mon Rimbaud,
Marquise
vos beaux yeux, fiche de lecture,
une
lecture chez Michèle Ignazi,
extrait 2 (Mon Rimbaud)
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