(douzième inconférence :
l’impossible)
Comment
l’impossible, un jour, a changé de nature, voilà ce que je voudrais dire,
comment l’impossible, pour moi, a changé radicalement sa nature – cela
peut-il se dire ? – ; comment
d’empêchement, vertige de la confusion, présence se fondant dans l’absence – toute chose, même la douleur, mangée par son envers –, vacillement de tout au bord du rien, il devint cet ourlet d’ombre
donnant à chaque jour sa densité et ses couleurs, ce grand mur offert d’inconnu
sur lequel, même étourdie, blessée, féroce, une heure se risque et prend
appui ; et ce que je pourrais dire, alors, de l’impossible, qui vient de
cette soif en moi de distinguer, inextinguible – axe invisible, soutien
indivisible pour qui pense, cette exigence ? –,
je pourrais le dire aussi du silence (existe-t-il ? peut-on le
faire ?), ce n’est pas pour rien
que j’y pense (ne sont-ils frères ?), ni l’inaudible, ni l’indicible ce silence,
pas plus absence de bruit qu’il n’est absence d’oreille (radicale expérience,
mais résorbée, retournée, annulée, n’est-ce
pas ? aussitôt qu’éprouvée), ni cette intime ténuité de tout son, ni même
du sens la butée ou le bord, ni l’arrêt ni la pause, ni suspens du ça parle infini, mais enclos dans le
dit, ou bien l’enclos lui-même, un noyau, une fente,
l’armature secrète, la condition du dit, l’impalpable squelette – sans
quoi coulerait, épanchée, infléchie, animale et bruissante, ne consisterait
pas, ne se dresserait pas vers autrui – la parole.
Florence Pazzottu, L’inadéquat, Flammarion, 2005, p. 54
Florence Pazzottu dans Poezibao :
Notice
bio-bibliographique,
extrait
1,
Note de lecture
de l'Inadéquat,
lecture
en trio à la Maison de la Poésie de Paris (mars 06),
extrait
2,
entretien
avec Elke de Rijcke,
extrait
3
index de Poezibao
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