Avec mes
remerciements à Tristan Hordé pour cette proposition
Il reste
les ailes rognées ni ne tourne la tête
limpide est sans cils la merveille citadelle
aux aiguilles des yeux en coulisse de colombe
est-ce au fils de bâtir par vallées décrépites ?
leurs saisons s’enlisent et leur siècle croule...
ériger à nouveau sous l’orage proche ?
les lointains on y touche foules se resserrent...
si tant est vu tordu dilapidé en miettes
filouté flûté tout sauf la limpide
près de ta montagne seul mon pin reste
sans tourner les yeux au passé quittes
à scruter quelle merveille et rien tête à dire
rien de plus aux ailes rognées au cimeterre
Vadim Kozovoï, Hors de la colline, Hermann, 1984, p. 37.
[Après la lecture de L’Instant de ma mort, de Maurice Blanchot ]
Je la vis sans
peut-être la voir (car je fermai les yeux, on le sait) à l’âge de sept ans ou,
pour être plus précis, de six ans et demi, dans une petite gare, devant notre
train qui devait repartir. Ce fut un lourd obus d’artillerie, trop lourd pour
moi, qui gisait à même le sol, couvert d’immondices, (je le remarquai au
dernier instant), que je levai péniblement, puis jetai (ou plutôt laissai
tomber). Et qui s’enfonça dans mon œil gauche, quasi déchiqueta ma jambe
gauche, couvrit ma tête, ma poitrine et mes bras de maintes traces indélébiles
de souffrance. Je m’assis, la tête penchée.
Je la revis (si
seulement ce « je » m’appartient) de nombreuses fois encore sur les
corps mutilés de ces enfants qu’on apportait à l’hôpital, inertes et
mugissants, pour les soigner un peu ou plutôt pour les laisser mourir. Je savais,
me semble-t-il, que la douleur et l’agonie d’autrui me concernaient de près,
qu’elles me promettaient ma propre fin.
Je la revis
métamorphosée (mais toujours la même, celle que je croyais connaître, si ce
n’est avoir connue) dans mes rêves illuminés, en prison, (deuxième ou troisième
année), à travers le feu de plusieurs fins du monde les unes plus
fantasmagoriques que les autres.
Je la vis une
fois pour toutes (toujours en prison) bien plus calme, voire impassible,
pendant une nuit d’adieu et d’extrême épouvante, après une expérience
particulièrement lourde de hachisch, une mort qui me rendait mon moi stratégique, affreusement émietté,
dispersé par l’effet du poison [...].
Correspondance
Maurice Blanchot –Vadim Kozovoï, Lettre à Maurice Blanchot du 3
novembre (1994 ?), dans Po&sie, n° 112-113, éditions Belin,
2005, p. 110.
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