Trois extraits de l’œuvre de Jacques Dupin (avec mes remerciements à Tristan Hordé pour les deux derniers), pour attirer l’attention sur une récente parution, Coudrier, chez P.O.L.
la
page lustrée, le pelage du loup
être tiré par les mots
pénétrer dans la caverne
imprégner le tissu de l’écoute
le mal de vivre, la soif
de la couleur
et
le geste qui la répand
L’espace est à l’oiseau, à la femme
qui danse, le sol est dur
l’air vibre comme un caillou
il fallait pincer les plantes
comme il est écrit dans un livre
le ciel tournait à l’orage
le martinet volant bas
était
l’éclaireur
le confident de la foudre
l’apprenti de la douleur
Jacques Dupin, Coudrier, P.O.L., 2006, p. 15.
Romance aveugle
Je
suis perdu dans le bois
dans la voix d’une étrangère
scabreuse et cassée comme si
une aiguille perçant la langue
habitait le cri perdu
coupe claire des images
musique en dessous déchirée
dans un emmêlement de sources
et de ronces tronçonnées
comme si j’étais sans voix
c’en est fait de la rivière
c’en est fini du sous-bois
les images sont recluses
sur le point de se détruire
avant de regagner sans hâte
la sauvagerie de la gorge
et les précipices du ciel
le caméléon nuptial
se détache de la question
c’en est fini de la rivière
c’en est fait de la chanson
l’écriture se désagrège
éclipse des feuilles d’angle
le rapt et le creusement
dont s’allège sur la langue
la profanation circulaire
d’un bout de bête blessée
la romance aveugle crie loin
que saisir d’elle à fleur et cendre
et dans l’approche de la peau
et qui le pourrait au bord
de l’horreur indifférenciée
[...]
Jacques Dupin, Romance aveugle, dans Chansons
troglodytes, Fata Morgana, 1989, p. 21-23.
La nuit remue, écrivait un ami lointain et le plus proche, lointain intérieur, vraie voix des écorchés vifs et la plus sensitive des fleurs nyctalopes. La nuit écrit. Ne cessera jamais d’écrire selon lui. Énigme compacte contre le ciel. Contre les dieux. Phosphore d’une trace d’encre tirant la plume ou le pinceau entre précipices et météores.
La nuit écrit. Élargissant l’espace, extravaguant la page, pulvérisant le cercle de pierres. Et enrôlant la mort. On lui doit un surcroît de force, et l’aggravation du silence. On lui doit de toucher l’extrême fond de la faiblesse, et la cime de nos plissements.
Jacques Dupin, Écarts, P.O.L., 2000, p. 32.
Jacques
Dupin dans Poezibao :
Note
bio-bibliographique
extrait
1, extrait
2, extrait
3, extrait
4, extrait
5,
index
de Poezibao
Sur simple demande à [email protected],
recevez chaque jour l'anthologie permanente dans votre boîte aux lettres
électronique
Commentaires