Je publie avec son accord ce texte important d'Isabelle Baladine Howald dont j'aimerais, en tant que rédactrice en chef de Poezibao, souligner à la fois le caractère alarmant mais aussi le caractère didactique. Je suis en effet convaincue que nombre d'entre nous ne se rendent pas compte à quel point il est important de toujours favoriser, en premier lieu et chaque fois que c'est possible (quitte à attendre quelques jours le livre désiré) le libraire de proximité.
Acheter vos livres en librairie ne signifie pas seulement la vie des librairies, mais à long terme, la vie des livres tout court
Quand les lecteurs auront acheté tous
leurs livres en ligne, quand les éditeurs auront vendus tous leurs livres en
ligne, délaissant allégrement et de façon peu élégante (à grand renfort de
déclarations fracassantes dans la presse nous enjoignant nous libraires à nous
remuer, comme si ce n'était pas ce que nous faisons toute l'année, mais ils ne
viennent jamais en librairie!) tout ceux qui les ont fait vivre des dizaines
d'années durant, quand les librairies seront désertées - déjà, on nous demande moins conseil,
préférant suivre les prescriptions des médias plutôt que nos avis, déjà
j'entends "mais on ne peut pas le lire gratuitement sur Internet?" -,
il se passera ce qui se passe pour le disque.
Les disquaires ont disparu, dans un
premier temps.
Dans un second temps, les disques
disparaissent, on télécharge directement (voir les articles de ces derniers
jours à ce sujet)
Les livres risquent de disparaître pour
une bonne part, et les textes seront téléchargés.
Mais je vois les éditeurs complètement
fascinés par les ventes sur Amazon qui n'est jamais, elle, qu'en train de scier
la branche sur laquelle ils sont assis, et des lecteurs aussi.
Moi je crois toujours aux livres.
Mais je me fatigue, je l'avoue.
Des étudiants analphabètes aux parents
incultes, des parutions stupides, si nombreuses qu'elles empiètent
dangereusement sur le temps d'accueil des clients, et de travail de fonds.
Autre chose : je ne solderai pas "mes"
livres. Je ne vois pas en quoi le fait d'avoir passé du temps sur une étagère
diminue leur valeur intrinsèque.
Il peut se constituer un réseau de
libraires amis (je travaille ainsi avec nombre d'éditeurs, par téléphone,
courrier, mail, rencontres). Les « librairies » en ligne sont une
solution de facilité dangereuse à long terme comme je l'ai montré plus haut.
Je travaille aussi en dépôt, de manière
rigoureuse et efficace (suivi etc).
Acheter vos livres en librairie ne
signifie pas seulement la vie des librairies, mais à long terme, la vie des
livres tout court.
Ceux que vous lisez, ceux que vous
écrivez.
Personnellement je n'ai aucune envie de
jamais voir un livre sous vitrine dans un musée.
©Isabelle Baladine Howald
Isabelle Baladine Howald est librairie à
Strasbourg, responsable littérature française, critique littéraire, poésie ; elle est aussi philosophe de formation, animatrice de revue et poète, auteur de plusieurs recueils, notamment Secret des souflles, chez Melville, en 2004.
Biographie et bibliographie sur le site du cipM
ou dans la poéthèque
du Printemps des poètes
Rédigé par : Jerome Charlet | mardi 23 janvier 2007 à 00h23