Colette Guedj, Tu es le grand soleil qui me monte à la tête,
anthologie de poèmes d’amour, JC Lattès, 2007.
Qui
n’a pas écrit de poèmes d’amour dans l’adolescence en a lus, recopiés, envoyés.
L’anthologie de Colette Guedj en propose plus d’une centaine ; l’ensemble
est divisé en cinq chapitres (La
déclaration d’amour, La célébration amoureuse, L’amour ardent, Mourir d’aimer,
L’arrière-saison des amours), chacun, brièvement introduit et joliment
illustré, donne les poèmes par ordre chronologique. Une courte notice précède
chaque auteur retenu, une bibliographie en fin de volume permet de retrouver
aisément les œuvres citées. Colette Guedj a passé sa vie à lire et faire lire
la poésie à l’Université, créant une belle revue consacrée essentiellement au
surréalisme (Les Mots et la Vie) :
le lecteur profite ici de ses connaissances, sans appareil superflu. Les
exemples de vulgarisation bien comprise sont suffisamment rares pour se réjouir
des réussites – on entend évidemment le mot vulgarisation
comme « art du passeur ».
On lit –
heureusement ! – dans l’anthologie des textes relativement bien connus,
comme ceux de Musset et d’Apollinaire, de Louise Labé et d’Aragon. On y trouve
évidemment Éluard, dont un vers du Phénix
a donné le titre du livre, mais on y découvre aussi les quatrains d’un
Verhaeren inattendu :
Ardeur des sens, ardeurs des cœurs, ardeur des âmes,
Vains mots créés par ceux qui diminuent l’amour.
Soleil, tu ne distingues
pas entre tes flammes
Celles du soir, de l’aube ou du midi des jours.
[...]
Car aimer, c’est agir et s’exalter sans trêve ;
Ô toi, dont la douceur baigne mon cœur altier,
À quoi bon soupeser l’or pur de notre rêve ?
Je t’aime tout entière, avec mon être entier.
(Ardeur des sens..., dans Les heures d’après-midi).
L’anthologie se veut un parcours dans le temps, du Cantique
des cantiques et des troubadours à nos contemporains, James Sacré ou
Béatrice Bonhomme, et ce faisant s’esquisse une évolution des manières de dire
l’amour. Certes, on dira bien que la formulation je t’aime ne change pas au cours des siècles, mais son contenu
certainement, et la rhétorique de Louise Labé (Baise m’encor, rebaise moy et baise:/ Donne m’en un de tes plus
savoureux [...]) est bien éloignée du lyrisme d’un James Sacré (Elle a le sexe comme pour/ serrer des perles
dans la nacre/ comme pour être parfait/ rose d’ivoire étui feuille de/ fougère
à dérouler pied/ d’escargot qui bouge bave- [...] .
Même si le domaine français est très largement dominant, les choix de
Colette Guedj ouvrent quelques portes ; se côtoient le Turc Nazim Hikmet,
l’Algérien Mohammed Dib, l’Italien Sandro Penna, l’Israélienne Miriam Barukh
Chalfi et, plus loin de nous, la Japonaise du Moyen Âge Murasaki-Shikubu, pour
ne retenir que quelques noms. On pourra regretter l’absence de la poésie
anglo-saxonne ou russe, par exemple, mais telle qu’elle est cette anthologie
nous rappelle avec bonheur que les poèmes d’amour sont « comme des mots de passe qui nous relient les
uns aux autres » (C. Guedj).
©Tristan Hordé
Rédigé par : irina | mardi 06 février 2007 à 03h47