Gisèle Freund rencontre James Joyce en 1936 chez Adrienne
Monnier dans sa célèbre librairie, Les Amis des livres, rue de l’Odéon. La
jeune femme gagnait sa vie avec ses travaux de photographe, un peu connue
depuis son portrait d’André Malraux, en 1935, à l’occasion de la réédition de La Condition humaine. Cependant, James
Joyce n’acceptera un reportage photographique pour la revue américaine Life qu’en 1938, au moment de la
publication prévue de Finnegans Wake
(le livre ne sortira qu’un an plus tard). Ce sont les photos de trois jours de
travail avec Joyce qui sont rassemblées ici. S’y ajoutent quelques clichés,
dont celui d’une page de Finnegans Wake corrigée
par Joyce (la page imprimée est devenue un brouillon), un autre en couleurs de
l’écrivain, vieilli, usé, au visage tragique, et plusieurs pris à la dérobée,
de Joyce réglant son taxi, avant une réunion avec Adrienne Monnier et Sylvia
Beach. Ces deux femmes, qui avaient édité Ulysse
en 1922, étaient proches de lui, comme le fut Eugène Jolas, photographié aussi
avec lui, ou Maria Jolas absente de ce recueil. Le troisième jour est consacré
à Joyce en famille, la famille étant ici réduite à son fils Giorgio, son
petit-fils Stephen et sa belle-fille Helen – Nora son épouse absente et sa
fille Lucia dans une maison de santé. On voit Joyce au piano : il suffit
de l’entendre lire Finnegans Wake
pour comprendre le rôle essentiel de la musique dans son œuvre. Ici, les mains
fines, là le sourire presque dissimulé par la main, et toujours le regard aigu,
sans complaisance. Tout lecteur de Joyce associera ces photographies aux 4
tomes de sa correspondance.
À propos de Gisèle Freund :
Gisèle Freund est née en décembre 1908 près de Berlin,
dans une famille juive. Après des études de sociologie, elle quitte l’Allemagne
pour Paris en 1933, avec un Leica que son père lui avait offert pour son
baccalauréat. Elle prépare à la Sorbonne une thèse sur la photographie au XIXe
siècle, qu’elle éditera en 1936 grâce à Adrienne Monnier. Elle gagne
difficilement sa vie avec des reportages photographiques, jusqu’au moment où
elle fait le portrait de Malraux, en 1935, pour la réédition de La Condition humaine. Naturalisée
française en 1936, elle travaille pour Life,
photographiant notamment des écrivains, à Paris et en Angleterre, comme Walter
Benjamin, André Gide, André Breton, Valéry, Sartre, Virginia Woolf. Elle quitte
la France pour l’Argentine où elle vit quelque temps chez la milliardaire mécène
Victoria Ocampo. Revenue à Paris en 1946, elle retournera en Amérique du Sud,
notamment pour travailler pour le Musée de l’Homme. On connaît parmi d’autres
ses portraits de Matisse, Simone de Beauvoir, John Steinbeck, Le Corbusier,
etc. ; elle est l’auteur du portrait officiel de François Mitterand. Une
partie de son œuvre est exposée en 1968 au Musée d’art moderne et une nouvelle
exposition lui a été consacrée en 1991 au Centre Pompidou. Elle meurt à Paris
en mars 2000.
Gisèle
Freund,
Trois jours avec Joyce, avant-propos de Philippe Sollers,
Denoël, 2006.
Bibliographie :
La photographie en France au XIXe siècle, Maison
des Amis des Livres Adrienne Monnier, 1936.
Mexique précolombien, Neuchâtel, Ides
et Calendes, 1954.
James Joyce in
Paris : His final years, New-York, Harcourt,
1965.
Le monde et ma caméra, Denoël
Gonthier, 1970.
Photographie et société, Seuil, 1974.
Mémoires de l’œil, Seuil, 1977.
Trois jours avec Joyce, Denoël, 1982,
réédition 2006.
Itinéraires, Albin Michel, 1985.
Gisèle Freund, portrait, entretien
avec Rauda Jamis, éditions des Femmes, 1991.
Sur Gisèle Freund :
Lucienne Mazenod, Ghislaine Schoeller, Dictionnaire
des femmes célèbres, Robert Laffont-Bouquins, 1982, p. 329.
Tribune juive, n° 1481, 2000, p. 27,
« Gisèle Freund ».
Biographie
et bibliographie
Un
très bel ensemble avec des liens permettant de voir de nombreuses photos de
Gisèle Freund sur le site Terres de
Femmes
Présentation du livre
sur le site de l’éditeur, Denoël
Un article (en
anglais)
un
article au moment de sa disparition (en anglais)
quelques photos de Gisèle Freund (notamment Vita
Sackville-West et Iris Murdoch)
©Tristan Hordé
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