Avec mes
remerciements à Tristan Hordé pour cette proposition
[Portrait de James
Joyce]
Un soir, en sortant
de cette église [Saint-Germain-des-Prés], je fis halte un moment au café des
Deux Magots pour boire un verre de vin tandis que Joyce, James Joyce, l’auteur
de l’Ulysse censuré, me parlait des
Grecs.
Un homme tranquille,
ce Joyce, avec l’occiput d’une idole africaine, long et plat. L’occiput d’un
homme dispensé de la vulgaire nécessité de laisser quelque place au cerveau.
[…]
Joyce vit dans une
espèce de détachement accidentel. Il est content quand ses amis lui rendent
visite et il se montre disposé à aller n’importe où, à ce qu’on dit, et à boire
n’importe quoi. Il désapprouve toute conversation sur l’art, et choisit ses
amis parmi les gens ordinaires.
Son sujet favori
est la mythologie grecque et il ne se lasse jamais de raconter l’origine du nom
d’Orion. Son explication ne laisserait pas de choquer l’esprit le plus
scholastique car elle se plaît à faire des Grecs de « vilains
sujets » qui, par-dessus le temps et l'océan, ne font qu’un avec Rabelais.
Il glisse d’un
thème à un autre, sans solution de continuité. Bientôt, l’on s’aperçoit qu’il
est passé de l’origine des noms grecs à une certaine baronne surnommée par les
Français « La Sirène ».
On dit que sa
mémoire est parfaite (je n’ai eu que peu ou prou l’occasion de la vérifier) et
qu’elle a la qualité d’une brume flottant à l’intérieur des terres.
- C’était une
vieille femme, dit-il au sujet de cette baronne, soixante-dix ans bien sonnés
et paralysée. Une Russe, une femme cossue, fort charmante dans sa jeunesse mais
je ne l’ai connue que dans son grand âge, branlant de la tête au-dessus d’une
malle remplie d’estampes pornographiques. « Celles-ci, je veux que vous
les preniez, me dit-elle, l’un de mes amants, un Grec, en a fait collection au
cours d’une vie d’errances et d’insatisfactions. »
Bio-bibliographie
de Djuna Barnes
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