Pour saluer la sortie d’un second livre de la grande poète autrichienne
à l’Atelier de l’Agneau, Asile des
Saints, traduction de Bernard
Collignon, à qui j’emprunte ces mots :
« Friederike Mayröcker est une auteure très représentative de la
poésie associative : libres enchaînements d’idées, de phrases, de
concepts, en un apparent désordre ; mais suivant une architecture intime
profonde, à la fois personnelle et adaptée à cet inépuisable magma que nous
alimentons et couvons en nos âmes, ces fragments d’histoire intime que nous
portons tous en permanence à l’arrière-plan de nos vies quotidiennes.
C’est pourquoi il est absurde de prétendre, à propos d’Asile de saints, consacré à de
fulgurantes rêveries sur les existences terrestres de Chopin, Brahms, Bruckner
et Schubert, qu’il faudrait connaître à fond chacune de ces biographies et
posséder une vase culture musicale pour les apprécier […] Elle les recrée, leur
conférant tous les chatoiements, les langueurs, les visions inspirées par sa
sensibilité propre, au moyen de foisonnantes métaphores, d’éblouissements
mystiques ou concrets, de décrochements et d’ellipses vertigineux. Elle
recompose ainsi, à partir d’une documentation sans faille, autant de
biographies rêvées aussi cohérentes en elles-mêmes qu’incitatives à d’innombrables
prolongements personnels. »
Bernard Collignon
(Extrait de odéon jardin vide Bruckner)
10
Il hésite / et vers l’heure de midi quand il fit soudain sombre
au-dehors et qu’une petite neige drue posait / disposait son pas
inégal, comme nous l’appelions, dans notre jardin / quand dans son plus
jeune âge nous eûmes déposé Laura près de nous dans le jardin, emportée par la
phtisie – "ou bien, si jamais je tire en bas l’aiguille", dit B., "2
heures durant les gens passent sous nos fenêtres, dans la profondeur, de ce
jardin) il doit bien venir un jour une fin" et ce balbutiement : "ne
sens ni douleur ni chagrin de la mort de cet enfant, mais morosité, et amertume",
dis-je.
Venu de quelque gros bourg dans le sable et la poussière, de la rue, j’avais
failli ne pas le voir qui gisait là : petit moineau de sable de poussière,
broché à même la rue : cocon
terreux, crêpe et voile de mort, doublure du monde.
"Pas juste", dis-je, "ni chaque fois que vous tirez l’aiguille,
venu d’un conte d’enfants ; dans lequel, une dernier fois, vous faîtes
figurer Laura : venu d’un conte ; d’une quantité de contes que leurs
becs aiguisent et becquètent sur des monts de diamant / comme un conte raconté
d’une petite voix d’oiseau", je veux dire, c’est comme les mots d’un conte
qu’il avait entendu finir l’oraison
funèbre : orgues géantes, pourvues d’air par machines à vapeur de
centaines de chevaux, dans le long sel, cendreuses feuilles de palmiers, une
conscience en retrait ; et son joyeux babil musical……
Friederike Mayröcker, Asile de
Saints, traduit de l’allemand par Bernard Collignon, couverture de Yasmina,
Atelier de l’Agneau, 2007, p. 64
Note
bio-bibliographie (mise à jour ce 5 février 2007)
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