Comment affronter la difficulté de vivre, la mélancolie,
l’obscurité de ce que l’on est ? Peut-être en cherchant quelque réponse
dans la lecture de Shakespeare et de Beckett, de Sterne et de Proust, en
interrogeant sans cesse les toiles de Bacon et de Poussin, en observant chaque
jour le vol des oiseaux et le mouvement des feuilles des arbres. Et l’on sait
bien que rien de tout cela n’apaisera complètement notre trouble. Il faudra y
revenir, on aura quelques lueurs mais rien de net, rien qui puisse satisfaire.
C’est cela vivre. Pierre Bergounioux se soucie de comprendre « les
étranges agissements auxquels on sacrifie aveuglément depuis toujours ».
Tâche pénible, indéfiniment à recommencer. Mais depuis l’enfance, il est attiré
par les ouvrages en fer, les machines, et aussi par les débris, les rebuts de
l’industrie, les machines abandonnées d’une agriculture archaïque. Il fouille dans les dépôts pour ces déchets, les
emporte, les transforme – ou non –, soude, fixe sur des supports en
pin… Sidérothérapie. « On glanait, jadis, les simples, dans la
campagne, pour lutter contre les maux petits et grands qui frappent nos corps.
Je ramasse des débris métalliques dont certains, avec ou sans retouches, sont
un antidote aux affections de l’âme. Il en est d’autres, sans doute. La
ferraille me suffit. »
On lira le texte écrit à l’occasion d’une exposition de
quelques sculptures au Musée de la Vallée de la Creuse, à Éguzon, l’automne
dernier ; il est précédé d’une brève entrée en matière de Jean-Paul
Michel, l’ami de toujours, et suivi d’un récit inspiré de Gabriel Bergounioux,
le frère, sur les livres déjà publiés. Les sculptures sont magnifiquement
reproduites, le livre est lui-même un travail d’artisan.
©Tristan Hordé
Sidérothérapie
Tarabuste, 2006