Poezilabo est l’espace-revue
de Poezibao. Il est consacré à des
contributions originales.
Voici une proposition d’Ariane Dreyfus, qui donne à voir son travail sur
la création d’un poème.
J’ai voulu
communiquer à mon poème cet espoir fou, mais vital, ce dynamisme aussi des
personnages et de la mise en scène, qui associe extraordinairement art de la
comédie toujours surprenante et sens de la fable.
1° partie 1° brouillon :
à Jafar Panahi
cinéaste lumineux
La petite au front barré par la casquette
Vigoureuse, la petite au front barré par le tchador passe de la maison à la rue sort
Elle respire en
marchant vite en marchant et vite
Le noir est puissant et tranchant, mais qui peut croire qu’elle ne vit pas ?
Ce qui est difficile
Tend le cœur en balle dure
Qui rebondit sur les parois
1° partie dernier brouillon :
à Jafar Panahi
cinéaste lumineux
Le front barré par le tchador elle rentre
en respirant, en marchant même vite.
Le noir est puissant et tranchant
Mais le cœur peut se tordre
En balle dure
Qui rebondit contre les parois
Qui rebondit.
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à Jafar Panahi
cinéaste lumineux
Le front barré par le tchador elle rentre
en respirant, en marchant même vite.
Le noir est puissant et tranchant
Mais le cœur peut se tordre
En balle dure
Qui rebondit contre les parois
Qui rebondit.
Commentaire :
1° partie version finale :
Le front barré par le tchador elle rentre
en respirant, en marchant même vite.
Le noir est puissant et tranchant
Mais le cœur peut se tordre assez
Pour commander aux jambes, aux bras,
A tout le corps qui s’assoie brusquement
Dans la petite cour.
Commentaire 2° partie :
Comme on le voit dans la dédicace, j’étais touchée par
cette capacité du cinéaste, dans ce film bien plus que dans le terrifiant Le
cercle qui traite de la prostitution féminine, à mettre malgré tout ces
femmes au soleil, à le leur donner. Même si « lumineux » dans
cette dédicace est aussi à comprendre au sens figuré, ce cinéaste ayant une
intelligence exemplaire du scénario et de la mise en scène, car il y mêle
subtilement sens de la fable et attention au vivant. J’ai donc introduit le
personnage du soleil, double du cinéaste à plusieurs niveaux. On verra
toutefois que si le soleil est de plus en plus personnifié, il l’est de façon
de plus en plus indécidable : un discours trop explicite risquant de le
vider de toute réelle présence. J’ai même fini par enlever « Complice
sans mains et sans visage », vers bien lourd, manquant totalement de
naturel. A vrai dire, à partir du moment où j’avais eu l’idée de cette
attaque : « Pour le souvenir », (vers à l’opposé de celui
dont je viens de parler car cette expression a l’évidence des expressions
courantes et est en même temps énigmatique mais pas hermétique, parfaite donc),
c’était gagné pour le soleil : il est bien là avec mon personnage.
Autre image associée à
celle du soleil, celle de la jeune fille envisagée en « statue
échappée ». J’ai tenté beaucoup de choses avec cette image, car elle est
visuellement très juste, mais elle faisait trop joli, tirant même le poème
jusqu’au « charme et mystère des femmes orientales », ce que je
trouvais moralement inacceptable. J’y ai donc renoncé.
2° partie brouillons :
Toute couverte elle bouge
Souple statue échappée
Que seul le soleil
Dessine
…………………………………………………………………………………………
Souple statue échappée,
Encore recouverte elle bouge, elle va au soleil
Qui la dessine avant de la toucher
Qui la dessine plus qu’il la touche
Ses yeux à elle
S’ouvrent en même temps qu’ils sont loin Sont forts aussi,
comme des mains ce
sont ses mains
Quand elle est dehors.
Même en se cognant la joue,
On attrape toujours un peu du monde.
Trébuchez, sachez imaginer
Que pour les pierres aussi c’est
difficile
Souvenez-vous que vous avez des jambes
Faites autant pour la route que pour l’amour.
Sur les murs il y a aussi le soleil qui
s’appuie
Et pas à pas dessine
Compagnon sans mains et sans visage
De la souple statue échappée
Vide et toujours chaud
Où passe la souple statue échappée
……………………………………………………………………………………….
Sur les murs le soleil s’appuie plutôt
Vide et toujours chaud
Où est la peau de la femme
Près de l’eau ou de l’arbre ?
La souple statue échappée n’a même pas de mains
………………………………………………………………………………………
Sur les murs le soleil s’appuie
Elle non
Sans se montrer, elle plonge le bras dans l’eau
langoureuse
…………………………………………………………………………………….
Complice sans mains et sans visage
Voilà le soleil qui s’appuie sur un mur.
S’arrêtant Dénouée elle aussi, elle plonge
le bras dans l’eau langoureuse
Pas une seconde sans une rencontre
Chaque jour il y a au moins une rencontre
Il y a davantage de lumière
Et pas un jour sans une rencontre
Gardée comme l’humidité sur le tissu
Le monde se verra, il recule aussi peu que les
yeux des filles.
…………………………………………………………………………………………...
Pour le souvenir
Le soleil s’appuie sur un mur
Complice sans mains et sans visage.
Dénouée, elle plonge le bras dans l’eau
langoureuse. Elle mélange l’ombre avec la lumière et chantonnant, elle
mélange l’air et la voix.
Que croyez-vous ? Cela, aussi
Pas un jour sans une rencontre
Gardée comme l’humidité sur le tissu
Le monde on verra, il recule aussi peu que les
yeux des filles.
…………………………………………………………………………………………………..
version finale :
à Jafar Panahi
cinéaste lumineux
Le front barré par le tchador elle rentre
en respirant, en marchant même vite.
Le noir est puissant et tranchant
Mais le cœur peut se tordre assez
Pour commander aux jambes, aux bras,
A tout le corps qui s’assoie brusquement
Dans la petite cour.
Pour le souvenir,
Le soleil s’appuie sur un mur.
Dénouée, elle plonge le bras dans l’eau
langoureuse.
Que croyez-vous ? Cela, aussi.
Pas un jour sans une rencontre,
Gardée comme l’humidité sur le tissu.
Le monde on verra, il recule aussi peu que les
yeux des filles.
du 17 au 31-01-07
©Ariane Dreyfus
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