En prélude au
compte-rendu d’une rencontre autour de Pierre Albert-Jourdan, hier, dimanche 11
mars, à la librairie Tschann. Pour signaler aussi la parution d’un cahier
Pierre-Albert Jourdan dans la revue Europe, mars 2007, n° 935 (j’y reviendrai
plus en détails dans le compte rendu de la rencontre d’hier)
Les nuages parfois s’enlisent
sur des terres trompeuses.
L’orage oublie ses étranges pouvoirs.
Nous sommes là,
perpétuant par des plaintes absurdes
cet oubli d’un jardin.
Les dieux nous sont maintenant
comme ce duvet de chardon dans l’espace.
Pierres éclatées le champ rendu –
ouvert au délire –
la nuit trop lourde bascule.
L’aube, encore, sublime,
la pièce de soleil jetée par compassion
dans l’aveugle écuelle.
Pierre-Albert Jourdan, poème inédit, 1962, publié dans la revue Europe, mars
2007, n° 935, p. 192.
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Amandier
enfoncé dans le froid
avec cette foi toujours neuve
ce cri adolescent
sauteriez-vous ainsi ?
arbre des vieux talus
il est de ceux qu’on pille et casse
mais les rejets sont tenaces
et qui dénonce le premier la douceur de l’air ?
la patience est dans l’obscur
ce regard longuement tissé
de clarté insoumise
Pierre-Albert Jourdan, extrait de « L’Ordre de la lumière », in Le Bonjour et l’adieu, Mercure de France,
1991, p. 378
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Arbre
Tu restes dans ton coin, guettant, et la musique tourbillonne autour de toi, la
java du sens. Tellement sollicitée la danseuse du sens !
Alors tu te tournes vers la vitre noire du salon et tu sais que dehors les
arbres frémissent de cette solitude particulière qu’ils ont acquise et qui est
toute leur vie d’arbres.
Frémissent, hors du sens, jetés là comme des signes qu’il nous faut interroger.
Écorces du vouloir.
Les arbres frémissent, ils sont aussi danseurs. On voudrait se jeter dans cette
assemblée, cette silencieuse épaisseur, cet épanouissement. Mais la danseuse du
sens est ici interdite, clouée.
La musique vient d’ailleurs, c’est-à-dire
que personne ne l’entend. On subit cet autre danse parce qu’elle semble soudain
visible. On s’avance
mais l’ombre dit :
« N’allez-vous pas regretter d’alourdir encore ces branches ? N’y a-t-il
pas mieux à faire qu’à rançonner ce fruit ? »
Et tout ce bruit des racines, soudain, cette noire musique, pousse à l’allègement.
C’est à un arbre de brouillard que je songe.
Un arbre pour passer au travers.
Pierre-Albert Jourdan, extrait de « Espace de la Perte », in Le Bonjour et l’adieu, Mercure de France,
1991 p. 544.
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