Qu’importe la chambre, – si
ce n’est tout entier le temps – qu’importe la chambre ? Pouvait-on même
dire : refuge ? (Je effacé par nous mais recevant de cet insistant
pluriel la légèreté principale. Je s’écoutant rire.) Qu’importe la chambre,
hors les autres cellules qui l’écrasent, l’enserrent, l’entourent, la
protègent, qu’importe la chambre hors ces escaliers qu’il faut monter pour
l’atteindre, qu’importe la chambre si ce n’est cette île, en plein ciel, portée
par d’autres îles, et ce personnage anonyme qui y accède (mettons qu’il se
souvienne de … ou de tout autre). Qu’importe ce faisceau de questions, hors
cette clôture que nul ne déchiffre, mais que chacun touche et parcourt. Voici
que le vent a tourné et que la plage oblique vers un autre espace : la mer
impatiente. Jadis chaude, maintenant glacée, frangée d’une même route, même
rangée d’immeubles, jadis glacée : roulé en boule dans un creux de sable,
un chandail abandonné. Qu’importe la chambre – ou salle à manger – et nous le
revoyons dans la petite cuisine – je vous en prie il faut le délivrer – dans la
petite cuisine en désordre – mais toujours le bocal de cornichons au sel, à
moitié vide – devant le bol de café au lait (odeur et couleur écœurantes, bord
ébréché), qu’importe, si nous l’effaçons il se crée – ici bougeant, ici
dormant, homme, paysage, et ville, et machine, et fleuve, insecte ou vague, ici
endormi et plus dense, de tout son corps pesant attiédi de sueur et d’odeur
nocturne (au plus fort), ou bien éveillé les pieds nus après la douche, dans le
plaisir infiniment fragile de l’été, avant d’avaler – aliment complet et
réminiscences — un verre de lait glacé, ô mères… Qu’importe la chambre et ce
récit qui le délivre, l’enserre : le roi dit : nous voulons. Et toi,
penché tu te souviens : moi-je. (ou bien la rue, la pluie, les courses, le
matin fatigant, et les oranges que l’on transporte déjà fades.)
Agnès Rouzier, Non rien, dans Le fait même d’écrire, Change/Seghers, 1985, p. 30-31.
Je
remercie Tristan Hordé pour cette proposition
Agnès Rouzier dans Poezibao :
Note
bio-bibliographique, extrait
1,
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