Si je me permets, à titre personnel, d’avoir quelques
réserves sur le thème choisi pour le Printemps des poètes, Lettera Amorosa, thème que
je trouve bien « bateau », je lui rends grâce en ce sens qu’il a
permis la publication d’une petite merveille éditoriale. Donnant accès, à un
prix accessible à tous, à deux livres d’artistes parmi les plus importants.
La collection Poésie
/ Gallimard propose en effet sous le titre Lettera Amorosa les deux versions illustrées, publiées à dix ans d’intervalle,
d’un poème de René Char. L’une et l’autre « enluminées par les peintres,
en 1952 par Jean Arp puis en 1963 par Georges Braque »*.
L’édition originale de Lettera Amorosa était parue chez Gallimard en 1953 dans la
collection « Espoir » dirigée par Albert Camus. Son titre fait écho
au madrigal « Se i languidi miei
sguardi » de Monteverdi, pièce pour voix seule et basse continue,
extraite du VIIe livre (1619) des Madrigaux.
La première version, placée en seconde position dans le
livre, est intitulée Guirlande Terrestre.
Elle comporte les papiers de couleurs peints et découpés de Jean Arp et
reproduit également le texte manuscrit de René Char qui « comporte de
nombreuses ratures* » comme si le poète voulait « faire
apparaître le travail en gestation avec ses remords et ses variantes* ».
La seconde version, rédigée dès 1953 et qui fit l’objet
de l’édition Gallimard de la même année, fut illustrée par Georges Braque dix
ans plus tard de vingt-sept lithographies, l’ouvrage étant présenté dans une
boîte rouge entoilée.
« Propriété privée de bibliophiles ou sous clef dans la réserve d’une bibliothèque, [ces deux manuscrits sont] enfin mis en lumière dans une collection de poche et offerts au regard du grand public. Leur beauté témoigne de la fraternité spirituelle qui unit l’art et la poésie* ». René Char n’appelait-il pas les peintres ses « alliés substantiels » ?
*Marie-Claude Char, extraits de la préface
René Char, Lettera amorosa, illustrations de Georges
Braque et de Jean Arp, nrf, Poésie / Gallimard, n° 430, 2007.