Traductrice, Nicole Taubes m’a proposé des traductions de la
poète allemande Christine Koschel. Traductions qu’elle lira lors d’une soirée
Anselm Kiefer-Ingeborg Bachmann, à la Maison Heinrich Heine, à Paris, le lundi
21 mai 2007 en présence de la poète Christine Koschel.
Je la remercie de porter ainsi à la connaissance des lecteurs français une œuvre
quasiment inédite en France.
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PIEDS NUS
Splendeur, dans leur nudité, des pieds
sur les tableaux noircis des Maîtres anciens
pieds languides des saints
rugueux pieds pérégrins, pieds dodus de l’enfant Jésus
d’orteils noueux bizarre étrangeté
beaux pieds fangeux, blanche et pâle plante de pied
stipes creusant d’imageries l’insondable
nos compagnons de route vers la poussière.
Claviers d’orgue du corps
aux dissonances criant jusqu’à l’aigu :
ravi hors de soi, un pied en suspens
de la mer émerge le satyre amputé
extatique devant des aveuglés, en équilibre
tel, entier, le fouleur de raisins
au-dessus du fruit éclaté.
En révolution même – jusqu’aux affres de mort
fraternels à la misère de l’autre -
avec l’antique sagesse de talons
rebelles dans un sursaut soudain
pris dans la tourbe et la boue, la bourbe
leur coup finalement va presser, nus et tendres,
le flanc de la mule.
Pieds t’évoquant des rites perdus
dans les rondes des pleureuses
sur les parois des tombeaux d’Etrurie.
Pieds nus – vies malmenées, subies -
nés pour le saute-mouton de l’enfant
bonds de colère hors du corps contraint:
Le feu de Nijinsky dans le saut de l’adieu.
Nus, pieds bafoués, pieds fugitifs,
fourbus sur les champs de bataille
dedans comme dehors de neige
finissant en glaçons hérissés.
Pieds nus soumis à l’incendiaire,
gourds – privés de la douleur qui protège -
de chute en chute plus près de pactiser
ils vont étendre alentour les tapis de braise.
Bien planté là, ton pied nu, vivant
élastique, épousant le sol qui serpente,
ôtée de la chair lacérée
la tyrannique érine de la soumission,
se déploie l’éventail des orteils
dans son ampleur naturelle,
à l’éventail de tes mains pareil
debout en toi
Tu es chez toi, rentré d’exil
Christine Koschel, traduction inédite © Nicole Taubes.
(original en langue allemande en cliquant sur le lien ci-dessous)
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Nackte Füße
Strahlend in Barfüßigkeit
auf den dunklen Bildern Alter Meister
die darbende Füße von Heiligen
die pilgerderben Füße die süßen Jesus-Tapser
Zehenglieder wunderbar bizarre
schöne Sudelfüße blankes fades Fußgezweige
und Strünke bohrender Abgrundfantasie
unsere Weggefährten zum Staub.
Orgelmanuale des Körpers
mit Dissonanzen bis zum Geschrill :
seinsvergessen einen Fuß in der Schwebe
taucht aus dem Meer der amputierte Satyr auf
ekstatisch vor Entäugten in der Balance
wie der unversehrte Traubenstampfer
über der berstenden Frucht.
Selbst in der Revolution – bis in die Todesfurcht
Geschwister dem Elend des Anderen –
mit der alten Weisheit rebellischer
Fersen jäh im Aufbruch
durch Dreck durch Matsch im Gatsch gefangen
gilt zuletzt ihr nackter zärtlicher Stoß
der Flanke des Maultiers.
Du witterst den
verlorenen Ritus der Füße
im Klagereigen der Frauen
an den Grabwänden Etruriens.
Nackte Füße – erlittene Lebensgeschichte
zu kindlichen Bocksprüngen geboren
Zornsprünge aus der Beugehaft :
Nijinskys Flamme im Abschiedssprung.
Nackte Füße missbraucht zu Fluchtfüßen
taubgelaufen auf Schlachtfeldern
schneeigen innen und außen
am Ende zapfenstarr in der Luft.
Nackte Füße dem Feuerleger untertan
fühllos – ohne den Schutz des Schmerzes –
packtwilliger von Fall zu Fall
besorgen die Brandteppiche allüberall.
Dein lebendiger Fuß nackt aufgesetzt
elastisch der Schlange des Bodens angepasst
die herrischen Widerhaken der Fügsamkeit
aus dem zerfurchten Fleisch geholt
spreizt sich der Zehenfächer
in seiner natürlichen Spannweite
dem Fächer deiner Hände gleichend
du stehst in dir
Heimkehrer aus dem Exil.