Pour la deuxième fois en quelques jours, la librairie Tschann à Paris organisait hier, dimanche 29 avril 2007, une lecture d’importance. Que l’on en juge, une rencontre avec Jacques Dupin, pour marquer la sortie de deux livres, 04.03 : mélanges pour Jacques Dupin et M’introduire dans ton histoire. Double parution après celle, relativement récente, du dernier recueil de poèmes de Jacques Dupin, Coudrier, paru également chez P.O.L. De ces trois livres il aura été question dans un échange lumineux dominé par la présence du poète.
Mais il faut d’abord s’arrêter un moment à l’extérieur de la librairie pour parler des très belles vitrines que compose la libraire Muriel Bonicel. Composition non seulement très réussie sur le plan esthétique mais qui permet aussi de mesurer l’ampleur et la portée de l’œuvre de Jacques Dupin, en particulier dans ce qui est si fondamental pour lui, son rapport avec les peintres. La vitrine assemble ainsi autour d’un portrait du poète par Garache les dernières parutions, ces trois livres cités plus haut mais aussi le très beau numéro spécial Jacques Dupin de la revue Faire Part dont Poezibao a déjà rendu compte, les autres œuvres poétiques de Dupin, quelques exemplaires encore disponibles de certains numéros de la célèbre revue l’Éphémère, les ouvrages de J. Dupin consacrés à Miro, Giacometti, Tapies et bien d’autres trésors encore.
La rencontre s’est déroulée en deux temps : une présentation des livres par Nicolas Pesquès, Francis Cohen et Valéry Hugotte, puis une lecture par Jacques Dupin d’extraits de M’introduire dans ton histoire et de Coudrier.
Nicolas Pesquès intervient le premier pour raconter de façon très vivante l’histoire de 04.03 dont on comprend tout de suite que le titre est une date, celle de l’anniversaire de Jacques Dupin qui vient d’avoir 80 ans en ce mois de mars 2007 et que ce livre est un cadeau. A l’origine en effet, l’idée de faire une « surprise » à Jacques Dupin, ce qui représentait une sorte de défi car des livres sur lui, il y en a déjà eu plusieurs et de haut vol. D’où l’idée originale de rassembler en ces Mélanges des contributions d’auteurs n’ayant encore jamais écrit sur lui, pari tenu à une ou deux exceptions près, les délais impartis à la réalisation étant un peu courts et la foi des réalisateurs en la faisabilité de leur projet pas tout à fait entière ! N’empêche : les trois quarts des textes sont un premier écrit de leur auteur sur le poète. Il faut noter aussi, Poezibao en a déjà parlé, que dans le même temps se montait en Ardèche un fort numéro spécial de la revue Faire Part, toujours pour cet important anniversaire.
En ce qui concerne 04.03, l’autre idée, qui semble très naturelle quant il s’agit de Jacques Dupin qui a tant travaillé avec les peintres, fut de donner une large part aux artistes en leur demandant un portrait du poète. Nicolas Pesquès dit le bonheur de leur petite équipe devant les « documents étonnants » qu’elle a reçus et en quoi ces contributions graphiques l’ont aidée à construire le numéro par séquences, sorte de sous-ensemble de textes associés à un dessin, les uns et les autres, ensembles, textes et dessins, se « réverbérant les uns les autres ».
Francis Cohen s’arrête ensuite sur les auteurs de ces Mélanges pour…. : Yves Bonnefoy, Anne-Marie Albiach, Claude Royet-Journoud, Emmanuel Hocquard. Ou Jacques Roubaud qui raconte comment jeune poète, voulant se débarrasser du surréalisme, il se tourne d’abord vers André du Bouchet et Philippe Jaccottet avant de se concentrer sur Jacques Dupin et Roger Giroux. Plus inattendue peut-être dans ce livre, la présence de Marcel Moreau ou de Jean-Pierre Verheggen.
Avant de commencer à lire Jacques Dupin dira son bonheur de ces mélanges et soulignera aussi l’intérêt de ce qu’il appelle, à deux reprises, le « cahier ardéchois », autrement dit le numéro spécial de Faire Part, qu’il a reçu, dit-il, en même temps que 04.03.
C’est par un très bel extrait de M’introduire dans ton histoire qu’il ouvre le feu, des pages
consacrées à Pierre Reverdy (« La Difficulté du Soleil », préface d’un
catalogue Pierre Reverdy, à la fondation Maeght et au musée d’Art Moderne de la
ville de Paris en 1970 et repris dans Ancres.
Pierre Reverdy, Éditions Maeght, 1977) : quand on refuse les tentations d’un ailleurs, les illusions d’un
au-delà, les mirages d’un futur. Et qu’on se tient sur la terre, au plus près
des choses, à l’écoute de soi, les yeux ouverts, et qu’on persiste….. ». Suivront
plusieurs poèmes de Coudrier (brunissoir / un outil de poésie) avant
que la parole soit donnée à Valéry Hugotte.
Ce dernier revient sur M’introduire dans
ton histoire, dont le titre est en fait le premier vers d’un sonnet de
Mallarmé. Valéry Hugotte qui est le préfacier de ce livre et qui parle en un
court et brillant exposé de la « passion du commencement » à l’œuvre chez
J. Dupin. Premières lectures (Mallarmé donc, Baudelaire, Rimbaud), premier vers
d’un poème qui n’a pas de titre, quelques indices pour les lecteurs du poète
qui tous savent sa capacité à se réinventer de façon continue (cette dimension
avait aussi été soulignée de façon intéressante dans l’émission de la veille
sur Radio Aligre). Importance de la rencontre aussi démontrée par les textes et
poèmes de ce recueil, rencontre avec Reverdy, Jabès. La première fois de
rencontres. L’importance de la première fois et chaque livre, chaque poème
étant une première fois, « ce
commencement auquel la poésie de Jacques Dupin n’en finit pas de nous convier ».
Je noterai pour finir l’importance de l’assemblée, une bonne cinquantaine de
personnes, au milieu des tables de livres, et la présence de très nombreux
poètes.
« Le poème est une attente «
(Jacques Dupin).
© florence trocmé, Poezibao, 2007
Jacques Dupin dans Poezibao :
Bio-bibliographie
de Jacques Dupin
extrait
1, extrait
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6,
hommage
à Claude Esteban,
numéro
spécial de Faire Part,
Photos ©florence trocmé. De haut en bas et de gauche à droite :deux photos de la vitrine de la librairie Tschann, Nicolas Pesquès, Francis Cohen, Jacques Dupin, Valéry Hugotte et en bas, Jacques Dupin à gauche en compagnie de Nicolas Pesquès, Francis Cohen, Valéry Hugotte. Au premier plan à droite, Jean-Louis Giovannoni. Ces photos sont toutes agrandissables par simple clic sur l'image.