Il y a trois personnes
dans le cri du coucou
Le cri du coucou vient de plus loin que la forêt,
il arrive de plus loin que le vent.
Je l’entends retentir dans l’horlogerie des primevères,
il me rattrape puis me distance, tour à tour
il me presse et m’éloigne, comme si mon corps
ou entendre partageaient
une essence commune aux oiseaux.
On dirait le souffle avant-coureur des sécheresses,
une tourmente préparée de longue main
dans le sein même de la lumière.
Seul transparent dans la transparence de l’air,
ce qu’il mesure n’appartient pas à la distance,
par lui l’espace recule, le temps reflue,
et je me transporte dans l’intervalle
des deux notes feuillées.
Tout murmure à mon oreille
dans les courants de la brise,
selon que le vol ou le cri part puis revient,
instable :
l’oiseau, l’infinité des parcs,
les commissures du vent
dans l’indicible attache reliant
deux instants à portée de ma voix.
Je lève la main, je la mets en visière
pour me protéger du soleil :
à perte de vue s’étendent les châtaigneraies
d’où le chant me parvient.
A mesure que les intervalles en se rapprochant
m’éloignent,
je suis cette voix dont l’appel
résonne auprès de la cascade.
Si je me tourne, c’est un trou,
l’accent plus sombre parmi
le bouillonnement du torrent de montagne
– et je me tiens à côté.
Je deviens ce défaut dans la justesse
des deux temps incommensurables,
je ne me distingue plus de leur mouvement
ni de l’horizon où ce nuage dessine
un golfe pénétré de ciel.
Parfois le cri remonte aux jours créés,
sa chair semble si tendre que le doigt y enfonce.
Et je me corresponds en vous absent,
arbres dodelinant au jeu du clair-obscur.
Et chaque arbre a pour lui sa forêt
dans l’intervalle où depuis un instant
je l’entends monter de la moelle
sans distance de l’espace,
un trou dans la syllabe fantôme redoublée,
hiatus de l’air et du ciel à travers
les feuillages où l’air est ma portée.
De plus loin que la forêt le coucou et son cri sont trois choses.
Il y a trois personne dans la forêt du coucou et du cri
L’écho du coucou
fait voler
la montagne
Max de Carvalho, Enquête sur les domaines mouvants, Arfuyen, 2007, p. 15.
Note bio-bibliographique de Max de Carvalho
index de Poezibao
Revenir
à la Une de Poezibao
Sur simple demande à [email protected], recevez chaque jour l'anthologie permanente dans votre boîte aux lettres électronique