Aller Simple
Comme si un carnet pouvait racheter le temps
j’en remplis les pages, rite solennel,
banal, comme si le passé récent
pouvait se résumer à la une des quotidiens,
comme si, une fois pour toutes,
il suffisait, pour maîtriser la situation,
de griffonner des notes dans ce train fulgurant
avant de débarquer, régénéré –
mais l’appétit se lasse d’une prose édifiante….
Des papiers nous tombent des mains, mes voisins
et moi succombons
à la chaleur, à la myopie, au rythme incessant
d’un paysage voilé par la brume.
Le tangage m’endort
je me tasse sur mon siège,
ma tête glisse sur le dossier,
mes pensées se font solipsisme, coquille scellée
d’intimités, bercée d’un niveau
à l’autre jusqu’au fond de l’océan.
Je reviens en arrière, parcours des millénaires
d’évolution jusqu’au poisson moustachu
sur le flot noir de mon seul vœu :
m’attarder dans ce mouvement perpétuel
derrière des vitres bleues et battues par la pluie.
•••••
Les choses d’en haut
Je voudrais pouvoir, comme Søren Kierkegaard,
être absolu et laisser son visage s’éloigner
jusqu’à ce qu’il soit une île dans l’eau
qu’il nommait souvenir. Rien d’impur
ne pouvait atteindre l’image éternelle qu’il avait de Régine.
L’amour inaltérable se trouve seulement dans le souvenir
loin du désir ardent d’être avec elle tout le temps.
Il laissait une bougie allumée dans chaque chambre
un manuscrit inachevé sur chaque bureau.
J’aurai besoin de tout son courage
si je veux m’atteler au sublime ;
avec son seul visage pour point de départ.
Stephen Romer, Tribut,
traduit de l’anglais par Gilles Ortlieb, Paul de Roux, Valérie Rouzeau, préface
de Valérie Rouzeau, Le Temps qu’il fait, 2007, p. 37 et 22 (isbn : 978-2-86853-473-6, 18 €)
Fiche bio-bibliographique de Stephen Romer
Je rappelle que l’éditeur Le Temps qu’il fait traverse une période très difficile et qu’un des meilleurs moyens de soutenir son travail est de lui commander des livres. Toutes les informations ici.
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